En tant que produit du cerveau humain, l’écriture est particulièrement influencée par nos émotions, nos humeurs et la vision qu’on a du monde. Cet article porte sur la création d’un environnement interne propice à l’écriture.
Un état d’esprit est un ensemble d’hypothèses et d’attitudes qui influencent le comportement ; c’est un filtre à travers lequel nous voyons le monde.
La culture, l’environnement et l’éducation influencent considérablement nos perspectives. Pourtant, nous pouvons modifier ou ajuster notre état d’esprit, comme un photographe change le filtre de son objectif.
Il y a deux états d’esprit qui sont particulièrement pertinents pour les auteurs :
- L’état d’esprit fixe ou de développement
- L’état d’esprit d’abondance ou de pénurie
Ces choix binaires simplifient la réalité. L’état d’esprit est fugace et changeant. Aucun n’est intrinsèquement bon ou mauvais. On peut aborder une négociation financière dans un certain état d’esprit et les relations familiales dans un autre.
État d’esprit fixe vs état d’esprit de développement
Comment réagissez-vous quand on vous demande d’accomplir quelque chose que vous n’avez jamais fait jusque là, comme la création d’un livre de A à Z ? Êtes-vous du genre à essayer ? Si le résultat nécessite d’être réécrit en profondeur, comment vous sentez-vous face au travail qui vous attend ?
Votre réaction face aux défis et aux revers dépend, en partie, de l’idée que vous avez de vous-même au moment d’envisager le travail, et de votre état d’esprit fixe ou de développement.
Carol Dweck, professeur de psychologie à l’université Stanford, décrit ces alternatives dans son livre Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite. Pour simplifier, celui qui a un état d’esprit fixe a tendance à penser que son talent ou ses capacités sont immuables et inhérents à sa personne. Celui qui a un état d’esprit de développement pense qu’il peut développer ses capacités grâce au travail et à l’apprentissage.
Ça semble simple comme ça, mais l’état d’esprit peut être plus subtil qu’il n’y paraît. Évidemment que vous savez que vous pouvez apprendre et vous améliorer. Mais face à un défi, vous entendez peut-être la voix de l’état d’esprit fixe vous murmurer que vous n’êtes pas « bon » dans ce domaine et que vous risquez d’échouer. Écouter cette petite voix vous empêche de relever des défis.
Si vous n’avez pas confiance en votre capacité à vous améliorer, vous devenez frileux face au risque. Pour ceux qui sont prisonniers d’un état d’esprit fixe, l’échec nuit à l’estime de soi.
Un état d’esprit fixe est particulièrement dangereux quand vous écrivez, car il vous empêche de tirer des leçons des commentaires constructifs. Les corrections ou les suggestions vous irritent ; vous avez l’impression que les critiques vous visent de façon personnelle.
Dans un état d’esprit de développement, les revers et les critiques deviennent l’occasion d’apprentissage. Une occasion douloureuse, peut-être, mais nécessaire. Vous avez plus de chances d’avoir une relation saine avec les éditeurs, en restant ouvert aux commentaires sans y voir un signe de faiblesse.
L’état d’esprit affecte également la créativité. L’état d’esprit fixe empêche l’exploration et la découverte. Vous ne faites pas de plan avant d’avoir toutes les réponses en main ; pour certains auteurs, ça signifie que le travail n’est jamais fait. Vous risquez alors de mettre en danger l’image que vous avez de vous-même.
Un état d’esprit de développement laisse de la place à la créativité. Pour de nombreux auteurs de fiction, les détails d’une intrigue ne se développent qu’au fur et à mesure que l’histoire apparaît sur le papier. Stephen King décrit son approche générale dans son excellent mémoire intitulé Écriture : « Je n’ai jamais exigé d’un ensemble de personnages qu’ils se conforment à mes directives ; je veux au contraire qu’ils fassent les choses à leur façon. » Il découvre où les personnages mènent l’intrigue.
Les auteurs qui sont dans un état d’esprit de développement commencent à faire des recherches et à rédiger les grandes lignes de leurs romans sans tout planifier. Ils apprennent au fur et à mesure. Ils prennent des risques et font preuve de résilience quand leurs efforts ne portent pas leurs fruits. Les auteurs de non-fiction considèrent souvent l’écriture comme un moyen d’apprendre, d’approfondir leur compréhension d’un sujet plutôt que de simplement rapporter ce qu’ils savent déjà.
Dans son essai Why I Write, Joan Didion confesse : « J’écris entièrement pour découvrir ce que je pense, ce que je regarde, ce que je vois et ce que cela signifie. » Elle aborde clairement son art avec un état d’esprit de développement.
Quand vous vous engagez dans une histoire avant d’avoir toutes les réponses, vous pouvez trouver des liens insoupçonnés, découvrir différentes facettes de l’intrigue et même changer la direction ou la structure du livre. Ces détours peuvent prendre plus de temps, mais le travail qui en résulte est souvent meilleur, et l’écriture plus satisfaisante.
Un état d’esprit de développement transforme l’écriture en un voyage de découverte.
En tant que lectrice, je sens souvent si un auteur explore un sujet ou s’il se contente de rapporter ce qu’il sait. Quand j’ai le sentiment que la compréhension de l’auteur s’est approfondie au cours de l’écriture, j’ai encore plus de plaisir à lire, peu importe le sujet. Parcourir le chemin ensemble est plus intéressant pour tout le monde.
Bonne nouvelle : même si vous avez tendance à adopter un état d’esprit fixe, vous pouvez le changer. Ce n’est pas inscrit dans vos gènes.
Abondance vs pénurie
Dans l’étude de Walter Mischel sur la maîtrise de soi, les enfants vivaient dans un monde de pénurie de guimauve. Ils n’avaient pas accès à un nombre illimité de chamallows et ont pris des décisions en tenant comme de la situation, dans un état d’esprit de pénurie donc.
Adultes, on peut acheter autant de guimauves qu’on veut, tant qu’on en a les moyens financiers et que notre organisme tolère bien le sucre.
C’est pareil en économie. Les entreprises se font concurrence pour un nombre limité de clients ; les produits se disputent notre argent ou notre attention.
Cette approche peut se répercuter sur d’autres aspects de nos vies, avec des effets souvent problématiques. Des chercheurs ont découvert que le simple fait de penser à l’argent modifie notre comportement de manière subtile, nous rendant moins enclins à consacrer du temps à aider les autres, même pour des tâches simples.
Certains aspects de notre vie obéissent aux règles d’un jeu à somme nulle qui ne peut avoir qu’un seul gagnant. Il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée, ou huit morceaux de pizza dans une assiette. Mais de nombreuses choses auxquelles nous attachons de la valeur ne tombent pas sous le coup de la pénurie. L’amour et les rires se multiplient lorsqu’ils sont partagés ou donnés. De même, les idées ont tendance à proliférer lorsqu’elles sont échangées.
Quand on confond les produits disponibles en abondance et les ressources rares, tout le monde est perdant. Quand on se trouve dans un état d’esprit de pénurie, l’empathie faiblit.
L’auteur et évangéliste technologique Guy Kawasaki résume bien cette dichotomie : « Il existe deux types de personnes : les mangeurs et les boulangers. Les mangeurs pensent que le monde est un jeu à somme nulle : ce que les autres mangent, ils ne peuvent pas le manger. Les boulangers ne pensent pas que le monde est un jeu à somme nulle, car ils peuvent faire des tartes toujours plus grandes et plus nombreuses. Tout le monde peut manger davantage. Les gens font confiance aux boulangers et non aux mangeurs. »
Peu d’entre nous sont entièrement l’un ou l’autre ; vous pouvez être un boulanger dans une partie de votre vie et un mangeur dans une autre.
Comment reconnaître si vous êtes un mangeur ou un boulanger quand il s’agit d’écrire ? L’état d’esprit de pénurie se manifeste par des croyances restrictives concernant vos idées, telles que :
- Toutes les bonnes idées ont déjà été écrites.
- Quelqu’un pourrait me voler mes idées si je ne les garde pas pour moi.
- Je dois attendre le moment idéal pour écrire.
Plus vous écrivez, plus vous avez des choses à écrire. Travailler sur vos idées réveille votre muse et déclenche l’abondance.
Améliorer votre état d’esprit
Changer son état d’esprit, ça s’apprend avec un peu de pratique. Si vous êtes confronté à des pensées restrictives concernant vos capacités (état d’esprit fixe) ou vos idées (état d’esprit de pénurie), utilisez les conseils suivants pour entraîner votre cerveau à voir le monde différemment.
Laissez vos actions changer votre état d’esprit. Le meilleur moyen de contrer l’état d’esprit de pénurie et l’état d’esprit fixe est tout simplement d’écrire, en contredisant vos pensées par votre comportement. Vous avez entendu parler du conseil « fake it ’til you make it » ? La personne que vous devez convaincre, c’est vous-même.
Vous n’avez pas de bonnes idées, ou vous doutez de vos capacités ? Écrivez quand même.
Si vous pensez que vous avez un nombre limité de bonnes idées et que vous voulez garder les meilleures pour le moment idéal, plus tard, posez-vous la question suivante : cette idée aura-t-elle toujours la même valeur pour moi demain ? Mon cerveau sera-t-il prêt à travailler dessus, et serai-je aussi enthousiaste que maintenant ? L’avenir est incertain, mais le présent est à portée de main, alors écrivez.
Votre point de vue est unique. Oui, quelqu’un a probablement déjà écrit sur une idée similaire à la vôtre. Ça ne signifie pas que l’idée est inexploitable. Shakespeare a réutilisé toutes sortes d’œuvres pour ses pièces, mais son travail est unique et apprécié à travers le monde entier.
Ce qui compte, c’est la façon dont vous racontez l’histoire.
Dans le domaine de la non-fiction, la manière dont vous partagez les idées compte autant que les idées elles-mêmes.
Étant donné l’énorme complexité du cerveau humain, les sujets potentiels d’écriture sont nombreux. Si vous attendez une idée parfaite et originale, vous risquez de ne jamais découvrir ce dont vous êtes capable.
Soyez déterminé à apprendre. Chaque fois que vous êtes confronté à l’état d’esprit fixe, opposez-y une détermination farouche à apprendre. Lisez autant que possible pour alimenter les connexions de votre cerveau.
Travaillez avec un éditeur qui connait bien son métier et mettez-vous au défi de tirer des leçons de ses commentaires. Plutôt que de vous contenter de corriger les problèmes que l’éditeur vous signale, poussez l’exercice plus loin. Par exemple, si vous répétez des phrases ou des tournures de phrases, mettez-vous au défi de rechercher les répétitions dans vos projets suivants et d’explorer différentes structures de phrases, afin de trouver de nouvelles approches.
Sortez de votre zone de confort. Essayez de travailler sur des sujets différents de ceux que vous maîtrisez et voyez comment cela affecte votre perception de vous-même.
Mettez-vous au défi de faire quelque chose de différent. Rédigez un poème ou une nouvelle. Même s’il ne voit jamais la lumière du jour, ce travail permet de développer vos capacités et de défier l’état d’esprit fixe.
Partagez sans inquiétude. Quand vous êtes dans un état d’esprit de pénurie, vous pouvez craindre de voir vos idées volées. Pour la plupart d’entre nous, l’invisibilité est une menace plus grande que le plagiat. La meilleure façon de contrer l’état d’esprit de pénurie est de reconnaître la force du partage et de la collaboration.
Au lieu de dépenser votre énergie à protéger vos travaux, investissez-la dans le développement de nouvelles idées.
Si vous avez créé quelque chose de génial, foncez et dites-le au monde entier. Publiez des articles de blog et lancez des conversations. Les risques du partage sont faibles et les bénéfices potentiels élevés.
Merci pour cet exposé magistral
Merci à vous de m’avoir lue !