3 principes pour trouver le temps d’écrire

Comment naviguer dans la vie d’auteur quand on a un emploi intense à côté ? L’équilibre existe-t-il ?

Peu de choses sont aussi personnelles que de trouver du temps ou un équilibre. Aujourd’hui, mon idée de l’équilibre consiste à ne pas envoyer de mails depuis mon téléphone et à ne pas travailler en soirée et les week-ends. Il y a dix ans, mon idée de l’équilibre consistait à ne pas consulter mes mails après 20 heures. On doit tous faire face à des circonstances personnelles changeantes (par exemple, notre famille a besoin de nous, on a besoin d’un job alimentaire pour payer notre loyer) et à des démons psychologiques (par exemple, cet horrible professeur qui vous a dit que vous ne serez jamais écrivain).

À moins d’être un moine zen ou de vivre des journées parfaites, il faut des années d’essais et d’erreurs pour exploiter son énergie de manière cohérente et productive, c’est-à-dire pour apprendre à établir et à améliorer des habitudes qui favorisent la réalisation de ses objectifs artistiques. Et ça nécessite un minimum de conscience de soi.

Cela dit, voici quelques principes que je trouve universels.

1. Les conditions idéales n’arrivent jamais.

C’est le plus grand des pièges : je commencerai à écrire quand

Quand j’aurai le temps, quand mes enfants seront grands, quand j’aurai quitté ce travail, quand j’aurai plus de sécurité d’emploi…

Ce genre de raisonnement peut s’enraciner dans l’autosabotage et la peur de l’échec, mais la plupart d’entre nous sont confrontés à un obstacle tangible qui les empêche d’écrire. C’est simplement que les meilleures conditions que nous pensons voir arriver n’arrivent jamais. Un nouvel obstacle prend inévitablement sa place.

J’ai toujours aimé l’histoire de Claire Cook, qui raconte comment elle a écrit Must Love Dogs. En tant que mère, le seul temps dont elle disposait était les cinq minutes passées dans sa camionnette en attendant d’aller chercher ses enfants à l’école, à l’entraînement de football ou autre. C’est donc ce qu’elle a utilisé. Elle a écrit un roman entier de cette manière et ça a lancé sa carrière, qui a été couronnée de succès.

La meilleure chose à admettre, dès maintenant, c’est que vous ne disposerez jamais de conditions idéales pour écrire. Vous le savez peut-être déjà. Mais avez-vous songé que des conditions idéales peuvent nuire à votre écriture ?

2. Trop de liberté peut nuire à votre art.

J’ai lu toutes sortes d’excuses pour ne pas écrire, et j’ai aussi observé les personnes qui ont la liberté absolue d’écrire quand, comment et où elles le souhaitent. Ça leur confère rarement un avantage. En fait, les auteurs qui ont le moins besoin que leurs écrits soient rentables sont généralement ceux qui se préoccupent le plus des gains monétaires ou de la reconnaissance. C’est en effet la façon la plus courante de déterminer si ce que nous faisons a une quelconque valeur. Si nous ne pouvons pas montrer que l’activité est payante, comment pouvons-nous la justifier ? On se sent mal à l’aise et la culpabilité s’installe. On se reproche d’être frivoles ou complaisants.

Même si la culpabilité n’est pas un problème, une trop grande liberté peut également entraîner un syndrome de la page blanche, une expérimentation prolifique qui ne mène nulle part et un manque de concentration paralysant.

Jorge Luis Borges a réalisé ses meilleures œuvres lorsqu’il avait un emploi à temps plein. Louisa May Alcott a écrit ses meilleures œuvres parce qu’elle devait gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de sa famille et qu’on lui avait dit qu’une histoire destinée aux jeunes filles se vendrait. Austin Kleon tient un dossier sur les artistes dont les défauts ou déficiences physiques les ont amenées à réaliser leurs meilleures œuvres.

Je dis souvent que les frictions entre l’art et les affaires peuvent être productives. Elles forcent l’innovation et peuvent être à la base du travail artistique et pas seulement un obstacle à ce travail. L’ouvrage de Ryan Holiday, L’obstacle est le chemin, développe cette philosophie (la philosophie du stoïcisme). Marc Aurèle a dit : « L’obstacle à l’action fait avancer l’action. Ce qui se dresse sur le chemin devient le chemin ».

3. La vie d’auteur n’est pas sans compromis.

Ou, plus simplement, elle n’est pas exempte de sacrifices. Certains auteurs sont connus pour être de piètres membres de leur famille. (Voici un article sur la question de savoir si les grands romanciers font de mauvais parents.) Ça ne veut pas dire qu’être auteur donne à quiconque la permission d’être cruel ou négligent, mais qu’une dévotion à l’écriture signifie moins de temps et d’énergie pour tout le reste. La plupart des auteurs remercient abondamment leur famille et leurs amis dans les remerciements parce qu’ils comprennent que nous exprimons notre amour par l’attention, et que l’attention pour notre travail signifie moins d’attention pour tout le reste.

Jai deux enfants et des obligations familiales. Mais j’ai aussi des questions de compromis d’ordre personnel comme : dans quelle mesure suis-je prête à renoncer aux autres choses que j’aime ? Aux anime ? Aux heures de sommeil ? À la danse ? (Nope.)

Faire un sacrifice pour l’écriture peut être effrayant, car le coût énergétique est élevé et un retour tangible est rarement garanti. Si vous n’avez pas de proches qui vous soutiennent, c’est d’autant plus difficile.

En cas d’échec, libérez-vous de la pression.

Il y a des périodes de votre vie où il n’est tout simplement pas réaliste d’écrire de manière concentrée et soutenue. Vous avez d’autres priorités, un travail qui vous plaît ou des exigences particulières. Reconnaissez-le et cessez de vous en vouloir (parfois, vous en attendez trop de vous-même). L’acteur John Cleese a dit : « Si vous courez toute la journée, que vous cochez des choses sur une liste… et que, de manière générale, vous avez plusieurs fers au feu, vous n’aurez pas d’idées créatives ». À certaines étapes de votre vie, vous n’arriverez pas à écrire.

Le grand défi de la vie est d’avoir la conscience de soi pour reconnaître sa situation pour ce qu’elle est. Soit c’est le mieux que vous puissiez faire en ce moment, soit vous avez pris la mauvaise sortie sur l’autoroute. Si vous n’êtes pas sûr de votre situation, posez-vous la question suivante : quelle est la chose que vous savez devoir faire, mais que vous évitez ou reportez ?

Gardez à l’esprit qu’un auteur qui réussit à trouver l’équilibre ne se sent pas nécessairement équilibré, et qu’il ne sait peut-être même pas comment il y parvient. Même s’il n’y a pas de mal à essayer l’approche de quelqu’un d’autre en matière de travail et de vie privée, trouver du temps ou un équilibre est en fin de compte un défi que nous relevons chacun de notre côté, en négociant avec nos proches. Et cela se fait presque toujours au détriment de quelque chose d’autre.

Coralie Raphael
Coralie Raphael

Je parle beaucoup d'auto-édition et essaie d'aider les auteurs à comprendre dans quoi ils mettent les pieds. Parfois j'écris aussi des livres.
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