L’histoire, c’est le langage de l’expérience, que ce soit la nôtre, celle de quelqu’un d’autre ou d’un personnage de fiction. Les histoires des autres sont aussi importantes que les histoires que nous nous racontons. Parce que s’il ne fallait compter que sur notre propre expérience, nous n’irions pas bien loin.
Mais encore, c’est quoi une histoire ?
Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, une histoire n’est pas juste quelque chose qui se passe. Si c’était vrai, alors on pourrait résilier notre abonnement Netflix, mettre un fauteuil inclinable dans notre jardin et être divertis 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, juste en regardant le monde passer. Ce serait génial dix minutes puis on aurait envie de se jeter d’une falaise. À supposer qu’il y ait une falaise dans le jardin.
Une histoire, ce n’est pas non plus, juste quelque chose qui arrive à quelqu’un. Si c’était le cas, on serait captivé par la lecture du journal intime d’un parfait inconnu décrivant chacun de ses passages au supermarché. Or ce n’est pas le cas.
Une histoire, ce n’est même pas quelque chose de dramatique qui arrive à quelqu’un. Resteriez-vous éveillé toute la nuit pour lire sur 200 pages comment le gladiateur A, assoiffé de sang, a poursuivi le féroce gladiateur B, dans une vieille arène poussiéreuse ? Je pense que la réponse est non.
Alors c’est quoi une histoire ? Une histoire c’est comment ce qui se passe affecte quelqu’un qui essaie d’atteindre avec difficulté un objectif et comment il ou elle finit par changer. Dans le doux langage de l’écriture, on traduit ça ainsi :
- « ce qui se passe » c’est l’intrigue.
- « quelqu’un » c’est le héros.
- « l’objectif » c’est la problématique.
- « comment il ou elle finit par changer » c’est l’histoire en elle-même.
Aussi contre-intuitif que ça puisse paraître, une histoire, ce n’est ni l’intrigue, ni même ce qu’il s’y passe. Une histoire, c’est comment nous changeons (et pas comment le monde qui nous entoure change). Elle nous embarque seulement quand elle nous permet de sentir ce que ça ferait de conduire l’intrigue. Donc l’histoire, c’est en fait un voyage intérieur, pas extérieur.
Les questions à se poser
- Sait-on de qui on raconte l’histoire ? Il doit y avoir quelqu’un à travers qui on voit le monde dans lequel on a été plongé (le héros, bien sûr). Voyez votre héros comme le substitut de votre lecteur dans le monde que vous, l’auteur, avez créé.
- Est-ce que quelque chose se passe ou débute dès la première page ? Ne préparez pas le terrain pour un futur conflit. Lancez-vous sans attendre avec quelque chose qui affectera le héros et de cette façon, donnez faim au lecteur de connaître la conséquence. Après tout, comment avoir envie de connaître la suite s’il ne se passe rien ?
- Y a-t-il un conflit dans ce qui se passe ? Est-ce que le conflit aura un impact direct sur la quête du héros, même si votre lecteur peut ne pas encore savoir en consiste la quête.
- Y a-t-il quelque chose en jeu dès la première page ? Et tout aussi important : votre lecteur en est-il conscient ?
- Y a-t-il une impression « d’apparence trompeuse » ? C’est particulièrement important si le héros n’est pas présenté dès les premières pages, auquel cas ça vaut le coup de se demander : y a-t-il une impression grandissante que quelque chose va se passer pour tenir le lecteur suffisamment en haleine jusqu’à ce que le héros apparaissent dans un futur proche ?
- La vue d’ensemble est-elle suffisante ? C’est elle qui donne au lecteur la perspective, à chaque scène son intérêt et qui permet de les lier entre elles. Si on ne sait pas où va l’histoire, comment savoir si les choses bougent ?