Planifier votre roman peut mettre la voix en valeur

« Mon manuscrit a été refusé. On m’a dit que l’idée était bonne mais que ça manquait de voix. Comment corriger ça ? »

J’ai lu un commentaire de ce genre il y a peu et dans leurs réponses, les autres auteurs semblaient déconcertés. C’est quoi la voix, exactement ? Comment sait-on si un personnage a une voix ? Et s’il n’en a pas, comment y remédier ?

La réponse « c’est subjectif » peut être frustrante à entendre, et cette histoire de voix peut justement sembler être le sujet le plus subjectif possible. Ça l’est probablement. Mais quand vous êtes complètement perdu, même si vous n’êtes pas vraiment un architecte, planifier aide beaucoup.

Comment une action aussi mécanique que la planification peut servir un concept aussi subjectif que la voix ? En vous aidant à mieux connaître vos personnages. La plupart du temps, l’absence de voix résulte d’un manque de connaissance de vos personnages. Si vous, l’auteur, ne connaissez pas ceux que vous créez, il y a peu de chances que le lecteur ait vraiment envie de les connaître. La voix repose sur la cohérence (et ça peut signifier être totalement incohérent si c’est la caractéristique principale de votre personnage).

La voix repose sur la personnalité. Il ne suffit pas de lancer deux ou trois railleries pour dire que votre personnage est sarcastique ou deux ou trois mots d’argot ou de verlan et penser que vous avez un adolescent. La voix repose sur le dialogue, les pensées et surtout, les réactions. La voix impacte votre intrigue. Quand vous aurez une personne crédible et entière, alors vous aurez un personnage qui a une voix. C’est là que ça devient utile de planifier.

Avant de vous lancer, il est important de savoir que tout ce que vous allez définir pour votre personnage ne va pas nécessairement aller dans votre roman. Si vous définissez pas mal de choses, moins de la moitié des informations finiront dans votre manuscrit. Mais vous en avez tout de même besoin. Chaque détail compte pour créer un personnage complexe, à trois dimensions. Mais par où commencer ? Comment créer une personne à partir de rien ?

Commencez par les grandes lignes. Vous compléterez avec les détails par la suite.

1. L’arc de personnage

Vous en avez certainement déjà entendu parler et vu une sorte de graphique à ce sujet (qui peut s’avérer très utile, au passage). Il y a plusieurs approches concernant l’arc de personnage ; vous pouvez choisir celle avec laquelle vous êtes le plus à l’aise. Peu importe votre choix, au final, il s’agit toujours de se poser les questions importantes qui vont affecter votre intrigue.

  • Qui sont vos personnages principaux au début de l’histoire ?
  • Qui seront-ils à la fin ?
  • Qu’est-ce qui les empêche d’arriver à cette fin (obstacles internes et externes) ?
  • Quels sont leurs principales faiblesses ?

Voici les questions auxquelles il faut répondre pour que votre histoire ait un sens. Donc ça peut être pas mal d’écrire les réponses quelque part. Pour résumer le tout en une seule question : qu’avez-vous besoin de savoir sur vos personnages pour avoir une intrigue qui ait un sens ? C’est la première chose que vous devriez définir.

2. Les principaux traits

C’est l’étape où vos personnages cessent d’être de simples pions dans votre intrigue et commencent leur transition pour devenir des personnes crédibles.

Commencez par la base, avec une description physique, par exemple. Vous n’avez pas besoin d’une grosse couche de description physique dans votre manuscrit (entre nous, je ne pense pas que ce soit une bonne idée). Mais vous avez besoin de connaître vos personnages dans les moindres détails. Certains ne feront aucune différence. Mais d’autres si. Partir à l’aventure quand on est un petit garçon tout maigre, ce n’est pas la même chose que quand on est grand et costaud. Donc écrivez les caractéristiques physiques et voyez si ça colle avec l’arc du personnage. Un tout petit garçon aura-t-il la force de battre un monstre ? Assurez-vous d’être cohérent.

Une fois que les caractéristiques physiques de vos personnages collent avec leurs arcs, il est temps de définir leurs principaux traits psychologiques. Quelles sont les principales caractéristiques que vous remarquez chez eux ? De quelles qualités ont-ils besoin pour correspondre à l’arc que vous leur avez construit ? Réfléchissez à ce qui ressort vraiment de leurs personnalités. Demandez-vous comment ce genre de personnes réagirait à chaque gros événement que vous avez prévu pour eux. Est-ce que ça les préoccuperait ? La crise que vous avez imaginée en est-elle vraiment une pour quelqu’un avec ce genre de personnalité ?

Enfin, il est temps d’écrire l’histoire personnelle de vos personnages. Où ont-il grandi ? Comment étaient leurs familles ? Ont-il un emploi ? Comment en sont-ils arrivés là ? C’est le moment de penser à tout ce qui a conduit vos personnages à la situation que vous provoquez. Leurs histoires devraient vous aider à comprendre comment ils en sont arrivés là.

Une fois que vous avez fait ça, vous devriez avoir des personnages crédibles. Leurs histoires devraient coller à leurs personnalités. À la fin de cette étape, vous devriez être capable d’identifier les causes et conséquences dans tout ce que vos personnages sont et font dans votre intrigue. C’est le moment de réfléchir à leurs réactions. À tout ce qui affecte la façon dont vos personnages réagissent face à un gros événement.

3. Les détails

C’est l’étape où on bouche les trous. C’est la partie qui rend vos personnages vraiment uniques.

Vous devriez connaître d’eux tout ce que vous savez de votre famille et de vos amis proches. Leurs anniversaires (et s’ils aiment les fêter), ce qu’ils aiment, ce qu’ils détestent, leurs plats et boissons préférés, etc. Ça peut sembler peu important, là comme ça. Mais ne serait-ce pas étrange de lire une histoire qui se déroule sur deux ans, avec un personnage principal qui adore faire la fête, et n’avoir aucun anniversaire célébré ? C’est ce genre de détails qui rend les personnages crédibles.

Et enfin, une question très importante à se poser : vos personnages ont-ils des manies et des habitudes ? Enrouler une mèche de cheveux autour du doigt, se ronger les ongles, se mordre la lèvre… Tout compte. C’est ce genre de détails qui créera vos battements. Quand on conseille aux auteurs de se servir des battements à la place des incises pour montrer (vous savez, le fameux show, don’t tell), certains lancent des actions un peu au pif au milieu du dialogue avec l’espoir de montrer. C’est vrai, les battements aident à montrer et font ressortir la voix. Mais seulement quand c’est bien fait.

En fait, les battements doivent montrer quelque chose qui en vaut la peine. Si vous avez un homme qui a confiance en lui, il est peu probable qu’il se gratte la tête ou qu’il regarde ses pieds en parlant à une autre personne. Si votre héroïne est connue pour être plutôt détendue, ce serait curieux qu’elle se ronge les ongles ou se mordille les lèvres à longueur de journée. Les battements ne sont pas juste là pour remplacer les incises. C’est un moyen formidable de bâtir la voix mais seulement quand les battements mettent en valeur vos personnages. Quand leurs réactions montrent leurs personnalités, là, vous avez la voix.

Ça peut sembler beaucoup de travail pour des détails qui ne figureront même pas dans votre manuscrit. Mais la bonne nouvelle c’est qu’il n’y a aucune règle sur la façon de faire. Vous pouvez utiliser un tableur, un document Word, écrire sur des post-it et recouvrir votre mur avec… Le plus important, c’est que ce soit flexible. Vous pouvez faire des allers-retours et ajouter des détails au fur et à mesure, quand vous faites de plus en plus connaissance avec vos personnages. Tant que c’est écrit quelque part, vous pouvez toujours vérifier si les détails collent avec les traits principaux et si les traits principaux collent avec l’arc de personnage. Tant que tout ça est complémentaire, vous aurez de bons personnages à trois dimensions en qui vos lecteurs verront de vraies personnes. Après tout, aimer et détester ces personnages de fiction est un des meilleurs plaisirs de la lecture !

Coralie Raphael
Coralie Raphael

Je parle beaucoup d'auto-édition et essaie d'aider les auteurs à comprendre dans quoi ils mettent les pieds. Parfois j'écris aussi des livres.
En savoir plus.

Articles: 237

5 commentaires

  1. Intéressant ton article. Je devrais prendre des notes pendant que mes personnages me mettent la pression pour écrire les chapitres. Le problème, c’est que je ne ferai que ça car ils me parlent très très souvent. J’ai même parfois l’impression qu’ils regardent par-dessus mon épaule pour voir ce que j’écris et si j’avance dans leur histoire. N’est-ce pas Milo ?!
    Milo : Ouais, ouais, je m’éloigne.
    Tu vois ? Il était encore là. xD

  2. « Demandez-vous comment ce genre de personnes réagirait à chaque gros événement que vous avez prévu pour eux. »

    Ah tiens, c’est curieux ça. A lire ton article, j’ai l’impression que tu crées l’histoire et qu’après tu cherches à faire en sorte que tes personnages s’emboîtent dedans. Perso, je crée un personnage qui m’intéresse et je développe autour de son arc narratif pour aborder les thèmes dont j’ai envie de parler. L’intrigue émerge du personnage et non l’inverse. Autre méthode… =p

    Pour la question de la voix, elle est souvent assez complexe à gérer, et comme tu dis, c’est si subjectif…
    Je crois cependant que beaucoup galèrent à vouloir opter pour une écriture dite « cinématographique » très visuelle et souvent une narration à la troisième personne/point de vue externe ou focalisation zéro.
    La voix du personnage provient d’une dissection de ses émotions. Si le personnage ne commente pas ce qu’il vit, il ne peut pas partager pleinement sa personnalité avec le lecteur.

    • Oh, tu sais, c’est comme pour tout : ni tout blanc ni tout noir ? Parfois ça part de l’histoire, parfois des personnages, souvent d’un mélange des deux.
      Tout à fait d’accord avec toi sur ce que tu écris au sujet de la voix du personnage en tout cas !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *