Le roman littéraire. Nous le reconnaissons tous quand nous en voyons un. Mais décrypter ce que c’est ou expliquer à quelqu’un d’autre comment le repérer, c’est plus difficile.
Dans une définition tautologique, une œuvre littéraire est une œuvre qui a remporté un prix littéraire comme le prix Goncourt. Ce qui écarte alors tous les romans écrits avant 1903 de cette classification.
Autre définition : le roman littéraire est « scriptible. » Le texte scriptible, nous dit Roland Barthes dans S/Z, « c’est nous en train d’écrire ». Cette définition est un sacré non-sens : chaque livre est par essence scriptible puisque quelqu’un l’a écrit !
Je ne suis ni définie ni marketée comme un auteur littéraire. Je suis un auteur de roman jeunesse indépendant. J’aurais beau écrire un roman littéraire, je ne gagnerai jamais de prix. L’idée d’être un auteur jeunesse ne m’avait jamais traversé l’esprit et depuis un an (depuis la sortie du Jardin secret de Marie), je me demande ce qui rend un livre littéraire.
D’abord, d’après moi, c’est un livre intellectuel. Un roman littéraire est porteur d’idées. Il a un thème global, distinct de la narration et est traversé par un leitmotiv.
Frédéric Beigbeder évoquait Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu (Prix Goncourt 2018) dans Le Masque et la Plume. Il déplorait la comparaison avec Émile Zola, figure de l’intellectuel : « On le présente beaucoup trop comme du Émile Zola et ça va moins donner envie aux lecteurs, alors que c’est très drôle ! »
Après le côté intellectuel, je pense qu’une œuvre littéraire a de la profondeur. Bien sûr, les romans aux grandes intrigues ont aussi des intrigues secondaires en général. Mais ce dont je veux parler c’est des idées, thèmes, intrigues et intrigues secondaires qui s’entrelacent. Le temps passé à écrire contribue à donner de la profondeur aussi.
Les critiques disent souvent que le personnage fait les romans littéraires alors que l’intrigue fait la fiction « mainstream » commerciale. Ça me semble un peu simpliste. Je pense que les romans littéraires doivent bien sûr avoir de fantastiques personnages. Mais les meilleurs livres ont aussi de fantastiques intrigues. Pour moi, dans une œuvre littéraire, l’intrigue arrive par les personnages. Le personnage principal se comporte d’une certaine façon en fonction de sa personnalité. Ce sont les traits principaux de son caractère qui font avancer l’intrigue. Les thrillers, par exemple, ont souvent une intrigue qui n’est pas influencée par le personnage. J’exagère mais dans ce genre de roman, n’importe qui peut être le héros et vivre la même histoire. Le Da Vinci Code de Dan Brown est un exemple classique d’un page-turner haletant mais est-ce que connaître le fond des pensées de Robert Langdon aiderait à faire avancer l’intrigue ?
Et le dernier point mais pas le moindre : le style. Je pense qu’on attend tous d’un roman classique d’être écrit dans une prose si belle qu’on en a les larmes aux yeux. Attention, ça ne veut pas dire que les romans d’un autre genre ne doivent pas se soucier du style mais la prose peut être moins recherchée. Prenez la saga Twilight de Stephanie Meyer. Extrêmement populaire, ces livres n’entrent pas dans la catégorie de fiction littéraire. Ils ont bien des personnages intéressants, des idées (sur la nature des vampires, les êtres à la fois humains et vampires), il y a des références à la littérature (Alfred Tennyson, Les Hauts de Hurlevent, Roméo et Juliette) mais c’est l’intrigue qui prédomine, la prose n’est pas spécialement belle, les personnages peu travaillés et d’une manière générale, les livres manquent de profondeur. Et pourtant, c’est une excellente lecture.
Là où je veux en venir c’est que les livres littéraires ne sont pas meilleurs qu’un autre genre de livres et que les éléments qui rendent littéraires la fiction littéraire se trouvent dans la plupart des romans. Mais si vraiment la fiction littéraire est ce qui vous fait vibrer, alors allez chercher l’exemplaire des Hauts de Hurlevent qui se trouve dans votre bibliothèque.
Et vous, comment vous définissez la fiction littéraire ?
Merci pour cette réflexion Coralie, elle est importante. Ce qui fait une fiction littéraire c’est bien sûr tout ce que tu as mentionné, mais au-delà du style, le langage (le niveau de langue avec le style) est important. Des polars ou des romans de genre peuvent atteindre un niveau littéraire. C’est pourquoi il existe des auteurs de genre qui deviennent des auteurs classiques. La finesse du langage permet d’atteindre la finesse des descriptions du comportement et de l’âme humaine. Ne pas oublier que l’écrivain travaille avec les mots. Un roman est fait de 50 000 à 300 000 mots ou plus La langue est la matière première de l’écrivain.
Merci d’avoir pris le temps de réagir à cet article, Chris !