Un des moyens les plus faciles d’obtenir une salve d’applaudissements quand on parle d’écriture ou d’édition consiste à condamner ceux qui demandent aux auteurs de travailler en échange d’une « bonne visibilité » plutôt que des euros.
Ça concerne presque toutes les professions artistiques, de la photographie à l’illustration en passant par la musique. Il y a des gens qui pensent naïvement que les musiciens, les illustrateurs et les auteurs professionnels acceptent de travailler gratuitement par « passion » pour ce qu’ils font. D’autres essaient sans vergogne de profiter des artistes.
Mais tout n’est pas tout noir ni tout blanc. Dans certains cas, la visibilité auprès d’un public ou d’un marché particulier est tout aussi bénéfique que d’être rémunéré. Ça peut être particulièrement vrai pour ceux qui sont en début de carrière.
Voici cinq questions qu’un auteur devrait se poser avant de décider d’écrire gratuitement (en échange d’une bonne visibilité).
1. Est-ce une bonne méthode pour générer des leads ?
La génération de leads est un terme marketing et les « leads » sont de potentielles rentrées d’argent. Par exemple, si vous publiez un essai sur un site web sans être rémunéré, mais que ce site est bien connu et lu par des éditeurs et des agents littéraires, vous pouvez être contacté par des personnes qui l’ont lu.
Bloguer est une méthode classique de génération de leads, en particulier pour les auteurs de non-fiction. Ça permet de rassembler une audience intéressée par ce que vous avez à dire. Votre nom est associé à certains sujets et votre travail est présent à l’esprit des gens.
2. Où en est votre carrière ? Avez-vous besoin de leads ?
Les auteurs débutants ont généralement plus besoin de leads que les auteurs dont la carrière est bien établie. C’est pourquoi il peut être dangereux pour les auteurs en début de carrière de suivre les conseils de ceux qui disent qu’il ne faut jamais écrire gratuitement, ou qu’il faut dire « non » aux réseaux sociaux ou aux activités qui vont générer du lead mais vous empêchent d’écrire. Les auteurs dont la carrière est bien établie ont souvent la liberté de dire « non » parce qu’ils ont un éventail d’opportunités rémunérées ou un lectorat bien développé.
Si vous n’avez ni l’un ni l’autre, la stratégie par défaut pour développer votre carrière consiste généralement à dire « oui » à tout ce qui se présente à vous. Au bout d’un certain temps, en supposant que votre carrière prenne de l’élan, vous arriverez à un point où il sera beaucoup plus logique de dire « non » (surtout aux opportunités faiblement ou non rémunérées) parce que vous devrez consacrer votre temps à des opportunités rémunérées ou qui vous enthousiasment vraiment.
3. Quelle est la demande du marché ?
Si vous êtes un poète, un essayiste, un nouvelliste ou un haijin, ça sera peut-être difficile de trouver suffisamment d’opportunités rémunérées, car la demande du marché est quasiment inexistante (ou la valeur marchande du travail est très faible).
Si vous êtes dans ce cas, vous pouvez accepter d’écrire contre une faible rémunération ou une bonne visibilité. Vous pouvez aussi trouver votre lectorat et chercher à monétiser votre travail par vos propres moyens. Ce n’est pas impossible (voir l’histoire de cette poétesse, en anglais) mais cela nécessite généralement de solides connaissances des réseaux sociaux et autres outils numériques.
Il y a aussi une chance qu’avec le temps, ce que vous écrivez devienne plus demandé.
4. Le média a-t-il les moyens de vous rémunérer ?
Même si vous êtes prêt à travailler gratuitement, avant d’accepter de le faire, vous devriez (dans la mesure de vos moyens) évaluer les moyens financiers (ou le modèle économique) du site web ou magazine qui vous demande du contenu gratuit. Les rédacteurs sont-ils rémunérés ou s’agit-il de bénévoles ? Le site/le magazine réalise-t-il des bénéfices ? Les lecteurs paient-ils un abonnement ou font-ils des dons ?
5. Faites-vous la promotion d’un livre qui génère des revenus ?
Cette question est directement liée à la première : écrire gratuitement contribuera-t-il à générer des leads (et donc un autre forme de revenus) ? C’est la question clé que tout auteur stratégique et soucieux de ses affaires devrait se poser. Écrire gratuitement est un moyen classique et facile de faire connaître votre travail ou vos services. Et presque tous les secteurs d’activité ont une façon d’utiliser la gratuité à leur avantage, de l’épicerie du coin aux développeurs de jeux. Si vous parvenez à attirer l’attention d’un nombre suffisant de personnes sur ce que vous proposez de gratuit, vous commencez à établir une relation qui débouchera sur des opportunités rémunérées par la suite.
Le mot de la fin
Je ne trouve pas utile d’être catégorique à ce sujet car tout dépend de la situation de l’auteur (sa stratégie, sa carrière…). Si écrire gratuitement conduit à un travail rémunéré par la suite, alors il me semble avisé de se lancer. Si ça ne mène à rien d’autre, alors il vaut peut-être mieux passer son chemin.