L’atténuation est l’un des procédés les plus utiles et les plus percutants pour l’auteur de fiction. Vous en dites moins pour laisser entendre davantage. Plutôt que de tout expliquer dans le détail au lecteur, on lui donne, avec précaution, juste assez d’informations pour laisser l’imagination faire son travail. Le lecteur peut tirer un grand plaisir et une grande satisfaction de l’atténuation.
Dans la fiction populaire et dans la fiction romantique, du genre Harlequin par exemple, l’atténuation est rarement employée. Ce genre de fiction est plutôt un exercice d’amplification. Je vais vous donner un exemple d’amplification tiré d’un roman Harlequin puis un exemple d’atténuation. Les deux extraits racontent une tension sexuelle entre un homme et une femme. L’image du deuxième extrait, littéraire, ne prend forme que dans l’esprit du lecteur. Alors que dans le premier, l’auteur lui explique les choses avec force de détails. Beaucoup de lecteurs aiment cette façon d’écrire. Celle que vous choisissez dépend de l’effet que vous visez.
Amplification
Alors il se positionna sur elle et elle s’ouvrit à lui, l’accueillant de tout son corps, le gainant de chaleur intime et moite. Son orgasme, cette fois, fut plus lent mais plus intense et quand elle sentit Bruce la rejoindre, elle fut secouée par une vague de bonheur triomphal, instinctif, presque aussi fort que la jouissance. Bruce s’arc-boutait en elle et elle le serra dans ses bras, profitant jusqu’à la dernière étincelle de ce feu passionnel qui les consumait tous deux.
Daphne Clair
Atténuation
Et sur le port, au milieu des camions et des barriques, et dans les rues, au coin des bornes, les bourgeois ouvraient de grands yeux ébahis devant cette chose si extraordinaire en province, une voiture à stores tendus, et qui apparaissait ainsi continuellement, plus close qu’un tombeau et ballottée comme un navire. Une fois, au milieu du jour, en pleine campagne, au moment où le soleil dardait le plus fort contre les vieilles lanternes argentées, une main nue passa sous les petits rideaux de toile jaune et jeta des déchirures de papier, qui se dispersèrent au vent et s’abattirent plus loin, comme des papillons blancs, sur un champ de trèfles rouges tout en fleur. Puis, vers six heures, la voiture s’arrêta dans une ruelle du quartier Beauvoisine, et une femme en descendit qui marchait le voile baissé, sans détourner la tête.
Gustave Flaubert
Ce passage de Madame Bovary, je pense qu’on peut dire qu’une fois qu’on l’a lu, on ne l’oublie jamais. Les images, vives et suggestives, donnent à votre imagination la chance de voir ce qui se passe à l’intérieur du fiacre sans qu’on ait à vous dire qui fait quoi à qui.
Prenez une scène de votre roman et écrivez-la des deux façons. D’abord utilisez l’amplification, ensuite l’atténuation. Vous verrez à quel point l’atténuation impacte votre travail. Vous pouvez essayer de montrer les deux versions à de potentiels lecteurs pour voir comment elles sont reçues. Ne soyez pas surpris si les gens semblent préférer l’amplification. L’atténuation demande au lecteur plus de travail que l’amplification. Ça dépend du lectorat que vous cherchez mais aussi du genre d’histoires que vous souhaitez écrire et que vous-même aimez lire.
Encore… encore des exemples ! ??? merci pour cet article qui me parle beaucoup !