Certaines histoires nécessitent une plus grande envergure, plus de voix, ou un contexte différent de ce qu’on obtient avec les yeux d’un seul protagoniste. Si c’est le cas, vous pouvez envisager d’utiliser plusieurs points de vue. Toutefois, vous devez réfléchir à plusieurs facteurs avant de vous lancer dans ce grand chantier.
Quand il y a plusieurs protagonistes, chacun doit avoir un poids à peu près égal dans l’histoire.
En d’autres termes, aucun personnage n’est plus important que l’autre, même si l’histoire d’un personnage peut sembler diriger l’action plus que celle des autres. En général, ces histoires sont écrites avec un point de vue intime, et chaque protagoniste a droit à son chapitre ou sa scène, dans lesquels on ne connaît que ses pensées et ses sentiments. Quand vos protagonistes apparaissent tous ensemble dans une scène, choisissez toujours à partir de quel point de vue vous voulez la montrer. Ça peut prêter à confusion, alors imaginez que chaque personnage possède une caméra. Le point de vue est celui de la personne dont on regarde la caméra (l’esprit).
La mise en scène de plusieurs protagonistes diffère de l’omniscience, dans laquelle le point de vue peut se déplacer dans les têtes de plusieurs personnages dans une même scène. Souvent, dans l’omniscience, l’histoire n’a qu’un seul protagoniste, mais le narrateur se plonge dans les pensées des autres personnages, pour ajouter de la saveur, des indices et de la couleur. Mais en fin de compte, on ne suit toujours que l’arc de transformation d’un seul personnage.
L’utilisation de plusieurs points de vue peut profiter à votre histoire de plusieurs façons. Mais n’oubliez pas de commencer une nouvelle scène ou un nouveau chapitre à chaque changement de point de vue.
5 raisons d’utiliser des points de vue multiples dans votre roman
Votre histoire doit être racontée sous plusieurs angles.
Aussi fascinant que soit le parcours d’un seul personnage, certaines intrigues sont mieux comprises quand plusieurs personnages racontent la même histoire, ajoutant ainsi différentes facettes à l’ensemble. Parmi les romans qui ont procédé ainsi, il y a Toute la lumière que nous ne pouvons voir d’Anthony Doerr, La Fille du train de Paula Hawkins, La Couleur des sentiments de Kathryn Stockett et Les Heures de Michael Cunningham. C’est particulièrement vrai quand chaque personnage apporte une pièce unique au puzzle : ils peuvent ne pas comprendre la vie de l’autre ou s’opposer l’un à l’autre en raison des événements de l’intrigue.
Chaque personnage offre un fil conducteur unique à l’histoire.
Les points de vue multiples ne fonctionnent que lorsque chaque personnage a un élément vraiment différent à offrir. Ils apportent de nouvelles informations, des opinions, une histoire et des indices qui nous font entrer plus en profondeur dans le cœur de l’intrigue.
Chaque personnage est fascinant et possède son propre arc narratif.
Les auteurs prennent parfois un personnage secondaire pour un protagoniste. Un véritable protagoniste doit avoir son propre arc narratif. Il doit être animé par des objectifs bien à lui et passer par un parcours de transformation lié à l’intrigue générale. C’est beaucoup plus difficile à faire que d’entretenir l’arc d’un seul personnage.
Votre intrigue couvre une grande partie du temps et de l’Histoire.
Les romans historiques ou les histoires qui couvrent de grandes périodes dans le temps semblent souvent limités lorsqu’ils sont racontés du point de vue d’un seul personnage. Comme un seul personnage peut aussi n’avoir qu’une partie des connaissances que vous devez transmettre, avoir plusieurs personnages peut offrir un sentiment de profondeur et de richesse. Mais là encore, n’introduisez pas un nouveau protagoniste à moins d’être sûr qu’il fasse partie intégrante de l’intrigue et qu’il ait son propre arc.
Votre livre doit avoir un rythme rapide et captivant.
Les points de vue multiples ont le pouvoir d’inciter les lecteurs à tourner les pages rapidement. Quand vous mettez fin à la scène d’un personnage sur un point non résolu, vous réveillez chez les lecteurs le désir de connaître la suite. Répétez cette technique avec deux ou trois personnages pour créer une tension positive qui donne envie de poursuivre la lecture.
5 problèmes courants liés aux points de vue multiples
Voici quelques pièges à éviter.
Les lecteurs n’ont pas besoin du point de vue de l’antagoniste, à moins qu’il ne se rachète une conduite dans son propre arc narratif.
Parfois les auteurs tentent de justifier les actions de l’antagoniste en proposant plusieurs chapitres de son point de vue. À moins que vous ne prévoyiez de rendre votre antagoniste gentil à la fin de l’histoire, ce n’est pas nécessaire.
Ne répétez pas les mêmes scènes à partir de différents points de vue.
Évitez d’écrire la même scène du point de vue de plusieurs personnages. Si chaque version n’apporte pas de nouvelles informations importantes pour l’intrigue, vous risquez d’ennuyer les lecteurs et de ralentir le rythme de la narration.
Ne vous servez pas d’un nouveau personnage pour donner des informations narratives ou des explications sur l’intrigue que votre protagoniste n’est pas en mesure de fournir.
Un personnage dont on a le point de vue doit exister pour son histoire, et pas seulement pour offrir des explications clés sur l’intrigue afin d’amener votre protagoniste à l’étape suivante de son périple.
N’intégrez pas de personnages pour créer de nouvelles intrigues secondaires.
Parfois on pense que la meilleure façon de créer une histoire captivante, c’est d’inclure de nombreuses intrigues secondaires liées à davantage de personnages. Le plus souvent, ça conduit à des complications. Les meilleures intrigues naissent des problèmes d’un personnage, de sa blessure passée ou du défi qu’il doit relever. Les intrigues secondaires doivent également se développer de manière organique, comme des rayons partant d’un centre plutôt qu’un enchevêtrement d’histoires.
Chaque protagoniste doit avoir un arc bien distinct.
Les nouveaux personnages sont passionnants et amusants à écrire, et il est facile d’en imaginer toute une équipe. Mais il est beaucoup plus difficile de développer un arc narratif unique pour chacun d’entre eux. Si vous n’arrivez pas à imaginer rapidement comment chaque personnage va jouer un rôle essentiel dans l’intrigue tout en ayant une transformation digne d’intérêt, il vaut mieux vous en tenir à un seul protagoniste.
Distinguer les protagonistes multiples
Pour déterminer le nombre de protagonistes à inclure dans votre histoire, analysez les romans appartenant au même genre littéraire que le vôtre qui présentent plusieurs points de vue. Vous constaterez que le nombre moyen de protagonistes est de trois, mais ce n’est en aucun cas la règle ; de nombreux romans ne comportent que deux points de vue. Et si se concentrer sur plus de trois points de vue multiples peut donner aux lecteurs un sentiment de confusion, ça ne veut pas dire que ce n’est pas possible : le roman de Marlon James, Brève histoire de sept meurtres, compte pas moins de treize protagonistes sur sept cents pages. L’auteur place le nom du personnage principal en tête de chaque chapitre, afin que le lecteur n’ait aucun doute sur le point de vue dans lequel il se trouve, et il donne à chaque personnage une voix distincte.
Pour déterminer la fréquence à laquelle il faut changer de personnage, de nombreux auteurs utilisent une formule selon laquelle chaque protagoniste obtient un chapitre ou une scène de point de vue dans un ordre de rotation fixe : Protagoniste A, Protagoniste B, Protagoniste C, tout au long du roman. D’autres peuvent structurer leurs scènes de manière à ce qu’un personnage apparaisse plus souvent que les autres : A, B, A, C, A, B, A, C, ou même A, A, B, C, A, A, B, C.
C’est là que le suivi des scènes et la planification d’intrigue sont utiles. Quand vous jonglez avec plusieurs protagonistes, vous avez besoin de davantage d’organisation pour suivre l’arc et l’issue de l’intrigue pour chacun d’entre eux.
Pour moi, la difficulté des romans à points de vue multiples reposent sur deux points principaux :
– bien maîtriser la narration en pdv interne, et ne pas tricher. Si on a du mal déjà à gérer ses pdv et qu’on flirte tantôt avec l’omniscient, jongler entre plusieurs pdv, c’est se rajouter des problèmes.
– bien distinguer les concepts d’arcs narratifs du personnage et l’arc narratif de l’intrigue et ne pas se mélanger entre les deux. Un roman = une seule grande histoire. Le fait que les persos aient des arcs narratifs distincts ne signifie pas pour autant que l’on doit créer plusieurs histoires dans son roman. Toutes les intrigues dites secondaires sont des étapes de la grande intrigue centrale.
Tes commentaires sont toujours pertinents, Monstrothécaire ! Merci beaucoup !!