Le début d’une histoire est difficile à écrire quand on pense à son importance. Il doit répondre aux besoins suivants :
- Placer une bonne accroche narrative.
- Donner au lecteur une raison de s’intéresser à ce qui arrive aux personnages.
- Donner le ton de l’histoire (satirique, dramatique, etc.)
- Présenter le cadre (temps et lieu), le conflit et le thème.
Le début d’une histoire, c’est un peu comme un CV. Vous étalez vos talents et compétences en espérant que le lecteur trouvera ce qu’il cherche. S’il ne trouve pas, votre livre ne quittera pas l’étagère du libraire.
Voici quatre des plus gros écueils dans les débuts d’histoire.
1. Le faux suspense
Alors que votre histoire se dévoile, vous voulez que le lecteur se pose des questions concrètes. Qui a volé la Tour Eiffel ? Comment Jean va sortir du puits dans lequel il est tombé ? Pourquoi Jeanne a acheté des chaussures trop grandes ? Vous ne voulez pas qu’ils se demandent : qu’est-ce qui se passe ? Ou pire : qu’est-ce que c’est que ce truc ?
Attention à ne pas créer du faux suspens (le genre de suspense où le lecteur rame pour comprendre les bases de votre scène). Le faux suspense peut amener votre lecteur à se poser ces questions :
- Quel est le nom de ce personnage ? Les personnages sans noms et sans visages n’entraînent pas le lecteur dans l’histoire, en général. Autrement dit, un lien doit rapidement se créer entre votre lecteur et vos personnages. Pour ça, le lecteur doit savoir qui sont vos personnages.
- Quel âge a-t-il ? Vous n’avez pas à donner l’âge de chaque personnage. Mais si vous écrivez sur quelqu’un qui a 80 ans, faites en sorte qu’il n’y ait pas de méprise et que le lecteur ne s’imagine pas qu’il en a 17.
- Qui est cette personne ? Le lecteur a besoin de savoir quelque chose sur votre personnage dès le début. Ça peut être sa profession, un trait dominant de sa personnalité ou une action qui le définit.
- Où se passe la scène ? Ne laissez pas votre personnage explorer une pièce vide. Le lecteur a besoin de savoir si la scène se passe dans un café, une forêt, une chambre ou un avion.
- Avec qui le personnage interagit-il ? Si d’autres personnages sont présents dans la scène, aidez le lecteur à suivre en les nommant. « Il » ou « elle » ne suffit pas au lecteur pour sa première rencontre avec un personnage.
2. Le prologue
Les auteurs ont une longue histoire d’amour avec les prologues. Souvent le but est de donner au lecteur des informations nécessaires pour qu’il comprenne ce qu’il se passe une fois dans le « vrai » début de l’histoire.
Mais le prologue c’est le parfait exemple de l’auteur qui veut prendre le lecteur par la main. Parce qu’il est convaincu que le lecteur ne sera pas capable de comprendre le contexte sans un peu d’aide, il s’applique à tout expliquer dans le moindre détail.
À première vue, ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Le manque d’information peut déstabiliser un un arc entier de l’histoire et laisser le lecteur confus et insatisfait. Mais les prologues sont-ils le meilleur moyen de donner les informations nécessaires ?
Le premier des défauts du prologue est qu’il force le lecteur à commencer une histoire deux fois. Toutes les émotions qu’il a pu ressentir sont menacées par le changement qui s’opère quand il tourne la page et lit « Chapitre 1. »
J’entends d’ici les auteurs dire : « Mais les informations de mon prologue sont vitales ! Mon histoire ne peut pas fonctionner sans prologue ! » Regardez de plus près votre premier chapitre. Généralement, vous constaterez qu’un premier chapitre bien solide (et il doit l’être, prologue ou pas prologue) donnera un meilleur début à votre histoire que le prologue. Trop souvent, les prologues se résume à une exposition. Après tout, c’est leur but. Et c’est là le problème. Il est plus efficace de donner du contexte une fois que le lecteur s’est attaché à vos personnages.
Est-ce que ça veut dire que tous les prologues sont bons à jeter ? Non. Mais il faut avoir un minimum d’expérience et de compétences pour réussir un prologue efficace. Et voici ce qu’on attend d’un prologue efficace :
1. Il doit piquer la curiosité du lecteur.
2. Mais sans l’éloigner de l’histoire qu’il s’apprête à lire.
Parmi les meilleurs prologues, on en trouve des courts (qui ne contienne presque rien d’autre que l’accroche) et avares en personnages ou développement de l’histoire. Ces prologues n’essaient même pas d’approfondir le personnage ou de présenter l’intrigue. Ils n’existent que pour communiquer d’importantes informations (un événement qui se déroule avant ou après l’histoire, le point de vue d’un antagoniste, etc.)
La vie secrète des écrivains de Guillaume Musso s’ouvre sur un article de presse qui donne des informations sur le personnage principal et le cadre de l’histoire. Le prologue est court, intelligent et ne demande pas au lecteur de s’investir émotionnellement. On garde cet investissement pour le début du chapitre 1. Pour ceux qui sont allergiques à Guillaume Musso, on retrouve le même procédé dans La mémoire dans la peau de Robert Ludlum.
Voici deux points de réflexion avant de vous lancer dans un prologue :
1. À moins que ce ne soit absolument nécessaire, évitez le prologue.
2. S’il est inévitable, faites-le court, commencez-le par une accroche solide et évitez autant que possible une narration interminable et le trop plein d’informations.
3. Le rêve
Les éditeurs n’aiment pas les histoires qui commencent par un rêve (en grande partie parce qu’elles ont le même problème que celles qui commencent par un prologue). Ces séquences échouent presque toujours à donner une bonne accroche et à présenter les personnages, le cadre, le conflit, etc. Il y a des exceptions à la règle mais en général, il vaut mieux éviter le rêve et trouver un début plus convaincant.
Avant de succomber à la tentation de débuter votre histoire par un rêve, prenez le temps de vous demander :
- Le rêve est-il vraiment nécessaire à l’histoire ?
- Est-il clair ?
- Présente-t-il un conflit et de la tension ?
- Participe-t-il au développement du personnage ?
Si la réponse à une seule de ces questions est non, alors il vaudrait mieux réduire le rêve à une ou deux phrases (ou le supprimer complètement).
4. Trop de contexte
Tôt ou tard, la plupart des auteurs se sentent restreints par les débuts d’histoires in media res. Comment le lecteur peut-il comprendre les événements si on ne lui donne pas le contexte, ce qui s’est passé avant le début de l’histoire ? Mais si le trop plein d’informations, les prologues, les flashbacks et les rêves ne sont pas la solution, alors que faire ? Comment éviter au lecteur la confusion sans avoir recours à trop de contexte dans les premiers chapitres ?
Le contexte est meilleur quand on ne le raconte pas (ou plutôt quand on ne le montre pas). La force du contexte, c’est de rester dans l’ombre. Le lecteur sait qu’il est là, il en voit les effets sur les personnages mais il n’a pas toujours besoin de tout savoir dans le moindre détail.
Deux points à retenir ici :
1. Le contexte doit avoir un intérêt. S’il ne fait pas avancer l’intrigue, il ne mérite pas d’être raconté.
2. Il doit habilement trouver sa place dans l’histoire pour que le lecteur comprenne son importance au sein de l’intrigue et qu’il soit impatient de découvrir les secrets du passé de vos personnages.
Le lest apporté par le contexte donne à nos histoires une plus grande profondeur et du sens. Il ouvre aussi la porte aux interprétations. Mais si on en met trop dans l’histoire ou si on l’illustre excessivement à coup de flashbacks trop détaillés (que ce soit au début de l’histoire ou dans d’autres chapitres), nous volons au lecteur le poids donné par 9/10e de l’iceberg qui flotte sous l’eau de notre histoire.
Tout à fait d’accord pour le faux suspense ! Ça c’est le genre de bêtise qu’on retrouve dans quasi tous les premiers romans. (et il faut du temps pour admettre qu’il s’agit d’une erreur, au début, on se croit toujours génial à vouloir être mystérieux.)
Par contre, pour les prologues et les rêves, c’est un peu plus compliqué.
Pour moi, un prologue a justement pour but (et pour définition) de permettre au lecteur de comprendre l’histoire. Si le prologue n’est pas indispensable, il vaut mieux le supprimer. (comme tu dis, pour éviter d’avoir deux fois un premier chapitre) Dans l’idéal, c’est même un ajout que l’on fait une fois le premier jet du roman terminé parce que l’on s’aperçoit que des informations manquent au lecteur au début pour saisir l’univers. (Et le prologue permet aussi de remédier partiellement au faux suspense)
Pour le rêve, ça dépend comment c’est traité. Cela peut-être très casse-gueule, ou cela peut permettre aussi d’introduire des éléments sur l’intrigue. Préciser le conflit, les faiblesses du narrateur, ses désirs… Les rêves sont toujours des morceaux de réalité déformés par le subconscient, ils ont donc parfois une utilité. En tout cas, les questions que tu posent à ce sujet sont très pertinentes et je plussoie : il vaut mieux se la jouer courte !
Je prends toujours beaucoup de plaisir à lire tes commentaires, Le monstrothécaire ! Merci ! (Et ce petit fantôme est juste adorable !)