Nous savons tous qu’il y a les romans et les romans « littéraires ». Quand vous lisez Marguerite Yourcenar, vous ne ressentez pas la même chose que quand vous lisez Guillaume Musso. Et ce sont ces romans littéraires qui remportent des prix prestigieux comme le prix Goncourt, le prix Renaudot et le prix Nobel de littérature.
Les auteurs littéraires sont réputés pour leur voix uniques et leurs styles expérimentaux. On vous a peut-être appris à l’école d’éviter les parataxes, de ne pas commencer une phrase par « et » mais les auteurs littéraires semblent souvent prendre plaisir à outrepasser ces règles.
C’est bien et pas bien à la fois. Les romans littéraires peuvent être difficiles à comprendre mais ils sont aussi beau à lire comme la poésie.
Donc si vous ambitionnez d’obtenir un prix Nobel mais que vous estimez vos compétences en diplomatie insuffisantes pour gagner le Nobel de la paix, voici 8 techniques que vous pouvez utiliser pour rendre votre écriture plus « littéraire ».
1. Écrire de longues phrases
Les longues phrases sont parfaites pour une prose belle et complexe qu’on lit encore et encore pour pleinement l’apprécier.
Modiano et Le Clézio (tous deux prix Nobel de littérature) sont des auteurs connus pour leurs parataxes. D’autres auteurs comme Hugo et Flaubert sont aussi des champions des longues phrases et parataxes. Voici une citation de Candide de Voltaire pour parfaitement illustrer ce point :
Le lendemain, après le dîner, comme on sortait de table, Cunégonde et Candide se trouvèrent derrière un paravent ; Cunégonde laissa tomber son mouchoir, Candide le ramassa ; elle lui prit innocemment la main le jeune homme baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacité, une sensibilité, une grâce toute particulière leurs bouches se rencontrèrent, leurs yeux s’enflammèrent, leurs genoux tremblèrent, leurs mains s’égarèrent.
2. Écrire des phrases courtes
Les longues phrases peuvent donner un style vieillot. Mais si vous faites suivre une très longue phrase d’une beaucoup plus courte, ça donne un coup de fouet à l’attention de votre lecteur. Regardez comment Flaubert s’y prend dans l’Éducation sentimentale :
Des étudiants promenaient leurs maîtresses ; des commis en nouveautés se pavanaient, une canne entre les doigts ; des collégiens fumaient des Régalias ; de vieux célibataires caressaient avec un peigne leur barbe teinte ; il y avait des Anglais, des russes, des gens de l’Amérique du Sud, trois Orientaux en tarbouch. Des lorettes, des grisettes, et des filles étaient venues là, espérant trouver un protecteur, un amoureux, une pièce d’or, ou simplement pour le plaisir de la danse ; et leurs robes à tunique vert d’eau, bleu, cerise, ou violette, passaient, s’agitaient, entre les ébéniers et les lilas. Presque tous les hommes portaient des étoffes à carreaux, quelques-uns des pantalons blancs, malgré la fraîcheur du soir. On allumait des becs de gaz.
Essayez de lire à voix haute. Vous remarquez comme la phrase sonne comme un coup de marteau ?
3. Soyez lyrique
Les auteurs littéraires ne s’intéressent pas uniquement à la signification des mots mais aussi à la manière dont ils sonnent. Le terme technique pour désigner ça est l’euphonie (le contraire de la cacophonie). C’est une qualité des sons agréables à entendre ou aisés à prononcer. Comme les poètes, les auteurs littéraires veulent que leurs mots fondent sous la langue du lecteur comme du bon chocolat.
Il existe des techniques qu’utilisent les auteurs pour rendre leur écriture euphonique comme l’allitération et l’assonance qui visent une harmonie imitative. Mais la meilleure façon de développer votre oreille est de lire des auteurs qui donnent dans le lyrisme (dans le sens où le lyrisme est le travail sur les mots, les images, les rythmes et les sonorités.) N’hésitez pas à regarder du côté d’Émile Nelligan, Jean-Paul Toulet et en chanson, Serge Gainsbourg et Boby Lapointe.
4. Faites une allusion à la Bible, à l’Étranger ou à Balzac
L’auteur littéraire est énormément lu. Il sait qu’il n’écrit pas dans le vide et rend subtilement hommage à l’auteur classique qui s’en est allé, ce qui contribue à donner du sens à son propre travail.
Pour une allusion réussie, servez-vous d’une image, d’un personnage ou même d’une citation directe d’une autre roman. Ça apporte un autre sens à votre histoire et crée un portail avec l’œuvre à laquelle vous faites référence.
Et ça donne un sentiment de complicité au lecteur qui saisit le clin d’œil.
5. Utilisez un homonyme pour nommer votre personnage
Autre façon de faire allusion à une œuvre : nommez votre personnage en rendant hommage au personnage d’un autre roman. Cette technique, qui tient du jeu de mot littéraire, crée une association dans l’esprit du lecteur et une sorte de relation entre les deux personnages.
6. Soyez précis
L’auteur littéraire étudie le vocabulaire du sujet sur lequel il écrit. Il veut que son écriture soit précise. Par exemple, s’il écrit sur la nature, plutôt que de parler d’arbres, il va décrire le sapin blanc, la viorne obier ou le pin parasol.
S’il écrit sur les oiseaux, il évitera de les désigner en des termes vagues (des oiseaux rouges ou bleus) mais plutôt par leurs noms : martin-pêcheur, mésange bleue ou pic vert.
7. Écrire une histoire dans une histoire (mise en abyme)
C’est une des plus vieilles techniques littéraires et une façon simple de créer des histoires riches qui se superposent.
Il suffit simplement qu’un de vos personnages raconte une histoire à un autre personnage, et la deuxième histoire devient l’histoire principale du roman. Pensez aux Mille et Une Nuits quand Shéhérazade raconte histoire après histoire au Sultan qui décide finalement de la garder près de lui.
Ou aux Faux-monnayeurs d’André Gide dans lequel l’oncle Édouard, écrivain, est présenté en train d’écrire un roman intitulé Les Faux-Monnayeurs, dans lequel il cherche à s’éloigner de la réalité, et qui a pour personnage principal un romancier.
8. Voyez large
Les romans littéraires ont tendance à avoir une toile de fond nationale ou internationale même s’ils décrivent des événement locaux.
Christian Signol, par exemple, écrit souvent des histoires qui se déroulent lors de la Seconde Guerre mondiale. Aux États-Unis, Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald est considéré comme le portrait de la Génération perdue et des années folles à cause de ses personnages qui vivent dans la débauche de cette décennie.
Vous ne rêvez peut-être pas du prix Goncourt mais si vous souhaitez donner à votre écriture une touche littéraire, ces techniques sont un bon début. Par la suite, la meilleure façon d’en apprendre plus sur ces techniques est de lire de la fiction littéraire.
Excellent article. Je le garde dans mes favoris.
Merci, Catherine !