Connecter profondément le lecteur à vos personnages

Il existe un ingrédient secret pour écrire un roman que le lecteur lira du début à la fin. Tous les autres éléments sont importants et nécessaires, mais secondaires par rapport à celui dont on va parler ici.

Ce secret consiste à créer un lien entre le lecteur et votre protagoniste. Vous vous êtes déjà fait ce genre de réflexion à propos d’un grand roman ?

« J’arrêtais pas de penser aux personnages, même quand je n’étais pas en train de lire. »

« Il fallait que je sache si elle s’était réconciliée avec son père. »

« J’oubliais toujours qu’elle n’est pas réelle. Parfois j’avais trop peur pour elle. »

Ces phrases disent toutes la même chose : j’y étais. J’étais tant attaché au personnage que la frontière entre l’histoire et le réel était floue. Il s’agit d’un phénomène psychologique appelé transport.

L’excitation du transport

Imaginez un groupe d’hommes des cavernes assis autour du feu un soir, mangeant du mammouth rôti. Zog dit : « Par une nuit comme celle-ci, mon frère s’est levé de cette même place et a marché dans la jungle, seul et sans arme. Il s’est fait dévorer par un tigre à dents de sabre. » Les autres hommes hochent la tête. Quand ils ont fini de manger, ils se lèvent et s’enfoncent dans la jungle, chacun dans une direction différente.

Vous l’avez deviné : certains d’entre eux n’étaient pas présents au dîner près du feu le lendemain. C’est ce qui arrive quand il n’y a pas de transport. Quand on est incapable de sortir de sa tête pour se placer dans celle d’autrui, on ne parvient pas à tirer les leçons qui pourraient nous sauver la vie. On ne partage pas non plus les joies et les peines des autres. On rate toute l’occasion de grandir à travers les expériences des autres. Heureusement, l’absence de transport du clan Zog n’a pas survécu aux temps modernes.

Quand vous lisez un livre, vous vous identifiez certainement à ce que vivent les personnages. Je suis prête à parier que vous pouvez également ressentir ce que d’autres personnes (fictives ou pas) ressentent. Le transport, c’est ce qui fait que vous avez parfois les yeux embués à la fin d’un film. Ou que vous avez agrippé le bras de votre partenaire pendant un film d’horreur. Ou encore que vos paumes étaient moites de sueur quand le héros s’accrochait désespérément au bord de la falaise. On entre dans l’histoire, n’est-ce pas ?

C’est une très bonne nouvelle pour ceux d’entre nous qui sont de bons conteurs. La question, bien sûr, c’est de savoir comment amener les lecteurs à entrer. On a tous lu des histoires qui nous ont laissés de marbre et qui ne nous ont fait ressentir aucune affinité ou inquiétude pour les personnages. Pire, on a peut-être même lu des histoires dans lesquelles on en est arrivés à espérer qu’un malheur arrive aux personnages. Comment faire en sorte que le transport opère, et comment être certain qu’il se produira ? En hackant le cerveau du lecteur, bien sûr !

Engagement émotionnel

Si vos personnages ont des points communs avec les lecteurs, en particulier des qualités, des comportements qui forcent le respect, ils vont être appréciés des lecteurs qui vont se sentir connectés, liés, être transportés. Pouvez-vous penser à un moyen de montrer que votre héros est sympathique ? Le lecteur l’appréciera si vous le faites. Pouvez-vous montrer que votre héros est courageux et se dresse contre l’injustice ou les brutes ? Le lecteur l’admirera si vous le faites. Pouvez-vous montrer que votre héros est généreux, indulgent ou responsable ? Ou scrupuleusement honnête (en rendant à un homme son portefeuille sans le toucher, alors qu’il a besoin de quelques euros pour manger), loyal, sérieux et bosseur ?

Montrez votre héros comme le genre de personne que le lecteur aimerait rencontrer, et le transport opérera. Montrez votre héros comme le genre de personne à laquelle le lecteur aspire à ressembler, et le transport s’accélérera. Quand le lecteur sent que votre héros lui ressemble ou qu’il est ce qu’il aimerait devenir, il s’engage émotionnellement. J’aimerais maintenant vous partager une référence surprenante et gravée dans le marbre.

Une âme habitant deux corps

Le philosophe grec Aristote disait que l’amitié, c’est une même âme habitant deux corps. C’est ce genre de relation entre le lecteur et le héros qu’on recherche. Aristote révèle dans son ouvrage, Rhétorique, les résultats de ses études sur la manière de faire ressentir aux gens ce qu’il voulait qu’ils ressentent. Dans un contexte judiciaire, Aristote voulait donner aux orateurs la capacité d’amener les juges et les auditeurs à être prédisposés à statuer en leur faveur. Il voulait persuader les gens d’aimer qui il voulait qu’ils aiment et de ne pas aimer qui il voulait qu’ils n’aiment pas.

Le secret d’Aristote consiste à démontrer qu’une personne (votre héros) possède des qualités que les auditeurs (vos lecteurs) admirent ou auxquelles ils s’identifieront. Il recommande de montrer que cette personne est digne d’émulation. Si vous montrez votre héros comme quelqu’un qu’on admirerait ou même vénérerait dans la vie réelle, votre lecteur s’identifiera à lui. Même le fait de montrer le héros admirer quelqu’un est un geste fort, aussi fort que si vous le montriez en train d’aider une personne âgée. Si vous faites en sorte que le lecteur ressente de la fierté et de l’admiration pour votre héros, il l’aimera. Et il s’engagera émotionnellement.

« Il est en pierre, il a pas de parties vulnérables ! »

Le personnage de Tim Allen dans Galaxy Quest a du mal à se débarrasser d’un géant de pierre, malgré le « conseil » de son équipier qui lui suggère d’attaquer ses parties vulnérables. Si les rochers n’ont pas de points faibles, votre protagoniste, lui, en a. Et quand vous révélez ces vulnérabilités dans l’histoire, le lecteur ne peut pas le détester.

Quand on est témoin de la douleur, de la peur ou des difficultés de quelqu’un (bref, quand on voit quelqu’un de vulnérable), on a envie de se lever et de faire quelque chose. Et quand on lit les difficultés d’un personnage, on le soutient. Ce n’est plus un quelconque inconnu sur les pages d’un livre, c’est un ami.

Où qu’il aille pour le reste de l’histoire, on n’est pas seulement derrière lui, on est en quelque sorte devenu lui. On s’identifie tellement à sa cause que sa douleur, ses défaites et ses victoires sont les nôtres.

Tout ça grâce à un petit truc appelé vulnérabilité.

Montrez votre héros vulnérable, en train de souffrir (non pas parce que c’est un raté ou un pleurnichard, mais parce qu’il fait ce qu’il faut et qu’ il souffre malgré tout) et le lecteur s’identifiera à lui.

Colle et serre-joint

C’est un peu comme quand on colle deux morceaux de bois ensemble. Quand la colle n’est pas encore sèche et que les morceaux de bois ne tiennent pas comme on veut. On doit donc les maintenir en place jusqu’à ce que la colle sèche. La solution idéale est d’utiliser un serre-joint.

Ce qui maintient les morceaux de bois ensemble au début, ce n’est pas ce qui les maintiendra ensemble de façon permanente. Mais le fixateur à long terme met un certain temps à faire effet, alors on utilise une solution à court terme jusqu’à ce qu’il fasse effet.

Il en va de même pour la fiction. La solution à long terme pour rapprocher le lecteur de votre protagoniste est la « colle » de l’empathie. On utilise divers moments, situations et approches pour créer ce lien étroit qui durera jusqu’à la fin du roman et longtemps plus tard. Mais ces choses prennent du temps à se développer, on a donc besoin de quelque chose pour retenir le lecteur dans l’histoire. On a besoin de quelque chose qui le fasse poursuivre sa lecture jusqu’à ce que la colle de l’empathie sèche. C’est ce que font les situations qui attirent l’attention.

Attirez l’attention du lecteur avec du danger, de la tension ou de la surprise. Mais engagez ses émotions (la solution à long terme) en le connectant à votre héros.

Que pourriez-vous utiliser dans votre roman pour attirer l’attention du lecteur ? Et ensuite, que pourriez-vous faire, pendant cette connexion temporaire, pour montrer à quel point votre héros est sympathique, admirable et vulnérable ?

Il n’y a rien qui vous empêche de faire les deux en même temps. Vous pouvez, par exemple, attirer son attention avec une situation dangereuse qui montre que votre héros est traité injustement. Ou montrez-le faire quelque chose de captivant tout en réconfortant un enfant effrayé.

Faites ça tout au long de votre roman, pas seulement au début. Il n’y a jamais de mauvais moment pour susciter à nouveau l’attention, l’admiration ou la compassion du lecteur pour votre protagoniste.

Coralie Raphael
Coralie Raphael

Je parle beaucoup d'auto-édition et essaie d'aider les auteurs à comprendre dans quoi ils mettent les pieds. Parfois j'écris aussi des livres.
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