Comment certaines personnes finissent-elles par exceller dans ce qu’elles font ?
C’est la question à laquelle le psychologue Anders Ericsson a réfléchi pendant toute sa carrière. Dans son livre, Peak : Secrets from the New Science of Expertise, coécrit avec l’écrivain scientifique Robert Pool, Ericsson apporte une réponse.
Peak décrit la façon dont Ericsson et ses collègues ont étudié les personnes les plus performantes dans de nombreux domaines. L’ouvrage montre qu’elles ont toutes suivi le même type d’entraînement. Peak n’est pas particulièrement écrit pour les auteurs. Mais tout écrivain en herbe qui le lit et (plus important encore) suit les principes expliqués dans le livre verra certainement ses capacités améliorées.
Comment est-ce possible ? Comment une méthode d’entraînement utilisée par les meilleurs golfeurs, plongeurs, danseurs de ballet, chirurgiens et autres profils peut-elle aider les auteurs ?
La réponse est simple : c’est dans notre cerveau que ça se passe. Quand on pense à devenir de meilleurs auteurs, la plupart d’entre nous font trois hypothèses :
- Chacun d’entre nous est né avec un certain potentiel inné de réussite : on appelle ça le talent. Il suffit que cette capacité innée s’épanouisse pour s’améliorer.
- Pour s’améliorer dans ce qu’on fait, on doit simplement persévérer.
- L’amélioration dépend de l’effort fourni. Si on ne s’améliore pas, c’est qu’on ne fait pas assez d’efforts.
Ces postulats sont si courants qu’on ne se rend pas forcément compte qu’on en est imprégné. Mais ils ont quelque chose en commun avec de nombreux autres postulats largement répandus : ils sont erronés.
- Même les spécialistes en neurologie croyaient autrefois que le cerveau (et donc ses capacités) était immuable. Mais depuis les années 1990, on sait que le cerveau humain, même adulte, est beaucoup plus malléable qu’on ne l’imaginait. Cette capacité du cerveau à changer en réponse à des défis (sauf blessure ou maladie) s’appelle la plasticité neuronale. C’est la capacité de notre cerveau à changer, et non notre talent inné, qui nous permet d’apprendre et de développer de nouvelles compétences.
- « Continuez d’écrire et vous vous améliorerez. » Ce conseil d’écriture est omniprésent sur les réseaux sociaux. Malheureusement, ce n’est pas si simple. Dans leurs études, Ericsson et ses collègues ont montré qu’aucun sujet n’a atteint un niveau d’expertise simplement en faisant encore et encore la même chose.
- Et si l’effort est certainement important, l’effort en lui-même ne nous mènera nulle part. Ce dont on a besoin, explique Ericsson, c’est du bon type de formation, celui qui donne naissance à des experts dans n’importe quel domaine. Lui et ses collègues ont baptisé ce type de formation la « pratique délibérée ».
Quand on pense à la pratique, on imagine ce qu’Ericsson appelle la pratique naïve, le genre d’action répétitive qu’on fait pour apprendre une compétence et la mettre ensuite en pilote automatique. On apprend beaucoup de choses de cette manière, comme préparer le dîner, par exemple, ou conduire une voiture. Le problème avec ce type d’entraînement, c’est qu’il ne nous aidera jamais à améliorer nos compétences. Pour ça, on a besoin d’un autre type d’entraînement, qu’Ericsson appelle la pratique délibérée. La pratique délibérée permet d’exploiter « la flexibilité du cerveau humain pour créer, étape par étape, la capacité de faire des choses qui n’étaient pas possibles auparavant ». Avec ce type de pratique, on « façonne » les zones du cerveau impliquées dans l’écriture. On augmente ainsi notre « talent » et devient de meilleurs auteurs.
La pratique délibérée n’est ni facile ni amusante. Il faut se fixer des objectifs pour les séances d’exercice, rester concentré, obtenir un retour sur ce qu’on a fait, sortir de sa zone de confort, développer des représentations mentales efficaces des compétences qu’on pratique et apprendre des modèles d’excellence. Peak détaille tous ces éléments de la pratique délibérée. Le livre offre ainsi une approche totalement nouvelle du développement de compétences. C’est nouveau pour un auteur, mais éprouvé dans d’autres domaines.
Alors, comment utiliser cette approche ? Tout d’abord, on doit tenir compte de nos compétences en matière d’écriture : Lesquelles a-t-on déjà ? Lesquelles nous font défaut ?
Supposons, par exemple, qu’on veuille améliorer nos phrases et qu’on choisisse de travailler sur les syntagmes prépositionnels. Tout d’abord, on doit être sûr de savoir ce qu’est un syntagme prépositionnel (représentation mentale efficace) ; on devra peut-être faire des recherches à ce sujet et dresser une liste de prépositions à utiliser. Pour la première séance d’entraînement, l’objectif est peut-être d’écrire un certain nombre de phrases en utilisant toutes les prépositions de la liste. Là, c’est facile d’obtenir un retour : il suffit de comparer les prépositions qu’on a utilisées avec celles de la liste. (Si on n’est pas sûrs d’avoir utilisé une préposition correctement, on doit le vérifier).
Après avoir effectué d’autres exercices de ce genre, on peut sortir de sa zone de confort en se fixant des exigences plus strictes, par exemple en s’obligeant à utiliser trois syntagmes prépositionnels par phrase, ou de commencer et de terminer une phrase par un syntagme prépositionnel. On peut également se tourner vers nos meilleurs professeurs, nos auteurs préférés, et recopier des phrases de leurs œuvres qui démontrent une maîtrise des syntagmes prépositionnels. Ensuite, on imite la façon dont ils ont utilisé cette technique et on compare nos efforts aux originaux.
Est-ce que ce genre d’exercice demande beaucoup de travail ? Énormément. Mais si vous vous entraînez de cette façon, avec n’importe quelle technique d’écriture, vous développerez vos compétences plus rapidement et plus efficacement que vous ne pouvez l’imaginer. Et ensuite, vous vous approprierez ces compétences, vous pourrez les utiliser à volonté et vous aurez une meilleure confiance dans votre capacité à faire ce que vous voulez face à une page blanche.
Le bon type d’entraînement, nous dit Ericsson (avec l’effort et la persévérance), peut changer nos cerveaux. Il peut faire de nous les auteurs qu’on a toujours voulu être. Elle peut même changer notre vie.
Très intéressant, merci Coralie ! Dans la droite lignée du « Growth mindset » de Carole Dweck et de « Grit » d’Angela Duckworth (que j’écoute en podcast dans le podcast qu’elle a avec Stephen Dubner de Freakonomics). Merci pour ton blog si intéressant & très belle année 2022 !
Oui, c’est exactement ça, Caroline ! J’ai beaucoup aimé le livre de Carol Dweck aussi.
Je te souhaite également une belle année 2022 !
Merci pour ce super partage.
On excelle dans ce qu’on fait si on y met surtout le coeur, donc être passionné et travaillé dur.
Bonne et heureuse année.
Ravie de découvrir ton blog et ainsi le suivre.
Bisous
Anita
Merci de m’avoir lue, Anita. Bonne et heureuse année à toi aussi !