Une idée qui ne tient pas la route peut être améliorée et sauvée.
Presque toujours, à l’origine d’une histoire qui ne prend pas, on trouve une idée qui peine à convaincre. Pas facile de passer d’une idée ennuyante à une prémisse captivante. C’est pourtant bien ce qu’il faut faire, généralement en remaniant l’idée plutôt qu’en cherchant à résoudre le problème dans la prémisse.
Ça signifie qu’admettre que votre idée n’est pas terrible est la première étape du processus. Ce n’est qu’après l’avoir admis que vous pouvez vous mettre au travail pour l’améliorer.
L’idée est un sujet délicat
Vous pourriez écrire un roman à partir de cette idée : « C’est l’histoire d’un type qui vit seul dans une grande ville. » C’est une idée, certes, mais pas très excitante. Il n’y a rien d’intéressant ou d’unique dans le protagoniste, le cadre ou la situation. Mais l’idée n’est pas à jeter, elle a juste besoin d’être améliorée. Une bonne idée va au-delà de la banalité pour proposer quelque chose d’original et, surtout, de captivant.
Voici à quoi pourrait ressembler une meilleure idée : « C’est l’histoire d’un homme fortuné qui se retrouve soudainement veuf après trente ans de mariage et qui déménage à Los Angeles pour s’installer avec son frère cadet, un réalisateur de films qui vit à un rythme effréné. Il va devoir apprendre à composer avec l’entrée dans sa vie de femmes toutes plus entreprenantes les unes que les autres, et toutes semblent bien décidées à le sortir de sa dépression. »
Cette idée me semble bien mieux que la première. Si vous n’êtes pas d’accord, c’est avant tout une question de sensibilité. C’est cette même sensibilité qui vous guide dans vos choix d’écriture.
Si vous faites remarquer à un auteur que son idée est vague, confuse ou peu convaincante, il y a de fortes chances que sa réponse ressemble à ça : « C’est voulu. Évidemment que quelque chose va venir compliquer la situation. »
Ce n’est pas évident. N’allez pas imaginer qu’un éditeur ou un lecteur va développer votre idée dans sa tête. Si votre idée est faite de plusieurs étapes, commencez par la première.
Le deuxième exemple répond à plusieurs critères d’une idée convaincante, dont celui-ci : le lecteur n’a jamais rencontré cette histoire auparavant, ou s’il l’a déjà rencontrée, elle propose une tournure neuve et intrigante.
Savoir si une idée est captivante, c’est facile
Si vous présentez votre idée – sans avoir à évoquer des éléments de la prémisse pour la rendre intéressante – et que la personne en face vous répond : « Ah, ça, c’est intéressant. J’ai hâte de lire une histoire basée sur cette idée ! », alors vous avez tout bon. Si on vous donne cette réponse, c’est que votre idée est captivante et intrigante, du moins pour cette personne. Le truc, c’est qu’il faut obtenir cette même réaction de la part de tout un stade.
Captivant, ça veut tout et ne rien dire
Vous obtiendrez un roman captivant en apportant de la profondeur et de la richesse à votre idée. Mais, c’est avant tout une question de goût. Ce qui est captivant pour certains peut être considéré comme banal et ridicule pour d’autres. C’est pour ça que nous avons différents genres littéraires. Les amateurs de romance ne seront peut-être pas attirés par l’idée de voyager dans une autre dimension pour rencontrer une vie extraterrestre. Même s’il s’agit d’une romance, si vous la situez dans un univers alternatif, on est également dans un autre registre.
Il n’y a pas de recettes à suivre à la lettre pour rendre un roman captivant. Le même livre sera le prochain Hunger Games aux yeux d’un éditeur alors que pour un autre ce sera du réchauffé. Pour l’auteur assis seul dans son bureau, il ne reste plus qu’à suivre son instinct.
Travailler son instinct littéraire
Il faut pouvoir regarder son idée et se dire en toute objectivité : « C’est bien » ou « Je pensais que ce serait vraiment bien et ça l’est pour moi, mais ça risque de ne pas l’être pour les autres, car finalement l’histoire n’a rien de spécial. »
Vous aimez peut-être les sandwichs au beurre de cacahuètes et à la moutarde. Mais bonne chance pour lancer une chaîne de sandwicheries basée sur cette recette.
Travailler votre instinct littéraire et savoir reconnaître une bonne histoire est votre meilleur outil. Dans chaque idée, une sensibilité littéraire se manifeste immédiatement, à travers divers critères et par la réaction du lecteur. Ainsi, une idée peut faire ou défaire votre histoire avant même que vous n’écriviez un seul mot.
Quelques exemples d’idées
Ces exemples répondent aux critères d’une idée palpitante sans avoir à évoquer la prémisse. Vous remarquerez qu’il n’est pas question de héros, d’intrigue, ni de véritable histoire. Si une idée ne vous plaît pas, ça signifie que vous ne devriez pas écrire cette histoire… tout comme vous ne devriez pas l’écrire si votre instinct littéraire vous dit que vous êtes le seul à l’apprécier. Certains de ces exemples sont tirés de best-sellers que vous reconnaîtrez peut-être, tandis que d’autres sont des idées qui promettaient des histoires qui n’ont pas vu le jour.
« Des serpents dans l’avion. » (proposition)
« La fin du monde est dans trois jours. » (contexte)
« Deux croque-morts tombent amoureux. » (environnement)
« Et si vous pouviez remonter le temps et réinventer votre vie ? » (proposition)
« Et si la première religion du monde était basée sur un mensonge protégé depuis deux mille ans par son Église ? » (proposition spéculative)
« Un enfant d’une autre planète est envoyé sur Terre, est élevé par des parents humains et grandit avec des superpouvoirs extraordinaires. » (proposition)
« Un homme jaloux revient d’entre les morts pour empêcher sa femme de refaire sa vie. » (contexte)
« Une adolescente de 14 ans raconte depuis le ciel l’histoire de son meurtre et de l’enquête qui s’en est suivie. » (proposition narrative)
« Un enfant doué de pouvoirs paranormaux est envoyé dans une école secrète pour les enfants comme lui. » (proposition paranormale)
« Une histoire qui se déroule en Allemagne au moment de la chute du mur de Berlin. » (cadre historique)
« Une histoire qui se déroule dans le Sud profond des États-Unis dans les années 60 et qui se concentre sur les conventions et tensions raciales. » (environnement culturel)
En général, si vous pouvez conclure votre idée par « s’ensuivent diverses péripéties » , vous tenez peut-être quelque chose de bon. Si des péripéties sont essentielles à la compréhension de l’idée, incluez-les.
Idée surréaliste vs idée réaliste
Les idées surréalistes s’écartent de ce qui est commun, repoussent les limites de l’imagination et du possible. On peut citer comme exemples Superman, Harry Potter et les Avengers, avec leurs lots d’éléments fantastiques et surnaturels. Des exemples d’idées où on évolue dans un monde réaliste, mais aussi palpitantes que celles des exemples précédents : James Bond ou Alex Cross, La couleur des sentiments ou Les Apparences.
Les histoires qui mettent en scène des personnages réalistes dans des situations réalistes peuvent tout à fait avoir un élément qui va créer un contexte intéressant. Ça peut être quelque chose qui concerne le héros, ou quelque chose qu’un personnage fait, croit ou affronte. Par exemple, un des personnages principaux du roman Les Apparences fait croire à sa mort dans le but de faire accuser son mari.
Une idée, surréaliste ou autre, peut être…
- centrée sur un personnage comme dans les exemples ci-dessus.
- une proposition spéculative comme Da Vinci Code ou Star Wars.
- thématique comme La couleur des sentiments ou L’Œuvre de Dieu, la Part du Diable.
Mais peut aussi…
- s’inspirer de fait du monde réel, comme une histoire sur l’équipe de France de football ou sur la mission Apollo 11.
- proposer un cadre, une époque ou un lieu. Les romans historiques offrent ce genre de promesse.
- proposer des histoires se déroulant dans un milieu donné comme Cinquante nuances de Grey ou une histoire sur la Patrouille de France ou même les francs-maçons.
Tous ces exemples sont différents, plus spécifiques, que l’histoire d’un type qui vit seul dans une grande ville. Cette idée-là n’a rien d’unique ou d’original. Elle ne suscite aucune émotion, ne s’adresse pas à un groupe démographique donné ou à un centre d’intérêt particulier. C’est une idée qui ne questionne pas et n’offre aucune proposition spéculative qui pique la curiosité. Elle ne se déroule pas dans un cadre, une époque ou un milieu qui permettraient au lecteur de s’évader.
Les grandes idées promettent toujours au lecteur un voyage par procuration. Elles peuvent transporter les lecteurs ailleurs, les placer dans des situations qui ne sont pas possibles ou réalistes. Une grande idée entraîne les lecteurs dans une aventure unique, qu’ils ne vivront jamais dans leurs quotidiens.
Une idée peut définir l’univers de l’histoire, en créant ses règles, ses limites et ses propriétés physiques, et devient ainsi son paysage. (Exemple : une histoire qui se déroule sur la lune est une idée à part entière.)
Une idée peut introduire des éléments spéculatifs et surréalistes, comme le voyage dans le temps, les fantômes, les pouvoirs paranormaux, le clonage, etc., dans une réalité tout à fait normale.
En bref…
L’idée est simplement le cœur de la prémisse et de l’histoire à laquelle elle donne naissance. Elle imprègne l’atmosphère de l’histoire. Elle suscite la réponse que vous attendez : « C’est la première fois que je vois ça, du moins traité de cette façon. J’ai vraiment envie de lire cette histoire. »
L’idée n’a pas besoin d’un héros… Sauf si le héros est au cœur de l’idée comme c’est le cas dans les exemples donnés plus haut. L’histoire est alors construite autour du protagoniste. Ce qui le rend fascinant, c’est ce qu’il a d’unique, de séduisant, de différent (pensez à Alice Roy, Jane Eyre ou Wonder Woman). Quand cette différence appelle à raconter une histoire, c’est que vous avez une grande idée entre les mains.
Pour finir
Ça peut être utile de réfléchir à ce que donnerait le pitch d’une histoire qui part d’une idée quelconque : deux divorcés tombent amoureux. Ça peut être une bonne histoire si vous vous en tirez bien. Mais le divorce est quelque chose de commun et donc pas la meilleure idée qui soit. Ça n’emballera pas un éditeur. Il voudra en savoir plus sur votre idée et sur la prémisse qui va suivre. Si vous pouvez apporter un peu d’originalité (par exemple : deux personnes qui souhaitent se débarrasser de leurs anciens partenaires tombent amoureuses) alors l’histoire serait déjà renforcée par la promesse d’une meilleure base.
Les éditeurs sont à la recherche de nouveauté et d’originalité. Imaginez par exemple que vous êtes un éditeur et que ce pitch arrive sur votre bureau : « C’est l’histoire d’un détective qui est chargé de trouver le meurtrier d’une jeune fille. » Vous répondrez : « Malheureusement, je ne vois rien d’original dans votre histoire. Vous en avez défini le genre sans y apporter d’éléments attrayants. » L’auteur aurait aussi pu bien dire : « Mon histoire est un roman policier tout ce qu’il y a de plus classique. »
Quand je dis « Les éditeurs sont à la recherche de nouveauté et d’originalité », vous êtes peut-être tenté de penser « Alors je vais me passer d’eux. Je vais aller directement aux lecteurs comme ça pas besoin de m’embêter avec toutes ces histoires d’idées originales. » C’est risqué de penser ainsi. Les lecteurs passent en revue les titres et les résumés des livres à la recherche de ce qui les attire. C’est exactement la même dynamique.
J’aime beaucoup cet article avec ton exemple simple « le type seul dans une grande ville » et comment le confronter à autre chose peut soudain le transformer en vrai pitch. Si c’est « comme les autres »… pourquoi l’écrire ?
Merci, Caroline !