Newsletter d’auteurs : guide pour bien débuter

Au début de sa carrière, quand il ne faisait que quelques apparitions dans des séries comme Matlock ou Arabesque, Bryan Cranston envoyait des cartes postales aux directeurs de casting. Il leur annonçait ainsi les dates de ses passages à l’écran. Il raconte au New Yorker : « Je savais que 99% d’entre eux ne regarderaient pas, mais ils auraient ma tête et mon nom sous le nez et ça leur enverrai ce message subliminal : Il bosse énormément, ce type ! »

Plus tard, il a fait réaliser des publicités « for your consideration », les trois fois où il s’est retrouvé nominé aux Emmy Award pour le rôle du père dans la série Malcom. Il explique : « L’idée, c’est de se faire reconnaître pour son travail et ainsi obtenir plus d’opportunités. La fausse modestie ou même la paresse peuvent vous en éloigner. »

Si la carrière de Bryan Cranston avait débuté à l’ère d’Internet, à la place des cartes postales, il aurait peut-être choisi la newsletter comme outil de communication. Les listes de diffusion ont plusieurs utilités (de la vente de vos livres au contenu payant). Mais pour les auteurs, la première utilité est de garder les lecteurs et les relations professionnelles informés de ce que vous faites.

Les emails que vous envoyez régulièrement à vos lecteurs laissent une empreinte durable et votre nom reste dans leurs esprits. Quand une occasion se présente (un club de lecture qui cherche un nouveau livre à lire, par exemple), il y a de fortes chances que les gens pensent à vous s’ils voient fréquemment votre nom.

Comme beaucoup de personnes sont envahies par des mails indésirables, ça peut sembler contre-intuitif de dire que la newsletter est une des formes de communication les plus efficaces (et personnelles). Mais jusque là, l’email s’est avéré être un outil bien plus stable et plus durable que les réseaux sociaux qui changent constamment. Les emails ne peuvent pas être manqués comme une publication sur les réseaux sociaux qui disparaissent dans les fils des lecteurs au fur et à mesure que d’autres publications sont postées. À la différence de vos comptes Facebook ou Twitter, votre liste de diffusion, elle, vous appartient vraiment. Et si vous vous servez des emails avec respect (on en reparle plus bas), ils peuvent devenir une ressource de plus en plus précieuse au fil du temps.

Alors on va s’intéresser aux généralités puis on se penchera sur les points plus techniques.

Développer une stratégie de newsletter

Décidez d’une fréquence d’envoi et tenez-vous y (au moins pendant quelques temps).

Vos efforts seront doublement couronnés de succès si vous êtes constant. Par exemple, l’autrice indépendante Audrey Martinez envoie une newsletter tous les lundis. Toutes les semaines ou tous les mois sont deux fréquences très répandues. Mais peu importe celle que vous choisissez, l’important est de vous y tenir. Attention : si vous choisissez une faible fréquence (bimensuelle ou trimestriel), le risque est que les gens oublient qu’ils se sont abonnés. Et ça mène généralement à un désabonnement. Mais plus votre nom est familier aux abonnés, moins vous avez de chances de rencontrer ce problème.

Ce n’est pas grave si vos newsletters sont brèves et concises.

Personne ne se plaindra d’une newsletter trop courte. D’ailleurs si vous envoyez à une fréquence élevée, il y a de fortes chances qu’elles soient très courtes. Garder la même structure pour chaque mail vous épargnera du travail également. Dans ma newsletter Lettres de mon bureau, je présente mes dernières découvertes en matière d’outils et ressources numériques. Elle est envoyée un samedi sur deux.

Soyez précis et honnête sur le contenu auquel s’abonnent les gens.

Vous devriez créer un formulaire d’abonnement qui leur explique ce qu’ils recevront s’ils s’abonnent. Celui d’une des deux newsletters de Nathalie Bagadey, À vous de jouer, dit : « Je vous promets un contenu utile pour les auteurs […] Ensuite, je communiquerai avec vous à raison d’une newsletter mensuelle. » Je trouve aussi utile de mettre un lien vers les archives de la newsletter pour que les gens puissent se faire une idée du contenu avant de s’inscrire.

Alors, que met-on dans cette newsletter ?

La seule limite est votre imagination. Même si l’intention première est de garder votre nom dans l’esprit des gens, il faut que le contenu soit intéressant (ce qui signifie que vous allez essayer d’offrir un travail de qualité à vos abonnés ou vous mettrez en avant le travail d’autres personnes).

Interrogez-vous : qu’allez-vous partager avec les autres personnes ? Que proposez-vous déjà ? Que vous demandent régulièrement les gens ? Sur quel sujet avez-vous un certain niveau de connaissances ou d’expertise ?

Les stratégies de contenu les plus courantes
  • Liste de médias. Vous partagez le meilleur de ce que vous avez regardé, lu, écouté, mangé, visité, joué, etc. Beaucoup de newsletters se résument à : « Voici les trucs cools qui peuvent vous intéresser ». C’est une bonne approche pour les débutants.
  • Dans les coulisses. Vous offrez un coup œil à ce qui ce passe dans les coulisses de votre projet en cours. Embarquez vos fans dans votre univers, donnez-leur un accès exclusif à votre processus artistique. En général, ça ne fonctionne que (1) si les gens attendent avec avidité votre prochain livre et veulent savoir ce que vous préparez ou (2) si vous êtes un auteur célèbre et/ou (3) si vous savez divertir les gens dans ce genre d’exercice. Tout le monde n’en est pas forcément capable.
  • Axé sur le contenu. C’est le genre le moins courant parce que ça demande un peu plus de travail puisque vous proposez un contenu original destiné uniquement à votre newsletter. Mais c’est payant sur le long terme. Vous pouvez y proposer des interviews d’auteurs, des guides pratiques et conseils ou partager des nouvelles, des poèmes, de courts essais, etc. Si vous incluez beaucoup de contenu original dans votre newsletter, vous pouvez toujours le revisiter et l’adapter en livre par la suite.
  • Actualité et événements. C’est l’idéal pour ceux qui font énormément de choses dans leurs carrières, qui ont beaucoup de ressources qui peuvent intéresser les lecteurs.
  • Écriture plus personnelle. Dans ces newsletters, les auteurs racontent en général ce qui leur est arrivé dans la ou les deux dernières semaines. Certains font ça à merveille.

Gérer la lassitude de l’abonné

Vous avez peut-être l’impression que chaque auteur a sa newsletter. Vous en recevez peut-être plusieurs par jour et avez peu de temps pour toutes les lire. Étudiez votre propre comportement face à ces mails : combien en lisez-vous ? Qu’est-ce qui capte votre attention ? Qu’est-ce qui fait que vous restez abonné ? Partez du principe que les abonnés ne liront pas tous les mails et qu’ils en liront le contenu en diagonale. C’est pour ça que c’est important de :

  • donner un titre unique à chaque numéro pour les différencier ;
  • rendre le contenu facile à parcourir d’un coup d’œil. Sous-titres, listes, textes en gras et autres indices visuels peuvent aider les lecteurs à trouver rapidement ce qui les intéresse ;
  • une table des matières est essentielle pour les longues newsletters ;
  • insérez les liens importants au moins deux fois. Si vous utilisez le HTML dans vos newsletters, les boutons marchent à merveilles pour des calls to action (par exemple, un lien pour acheter votre livre).

Beaucoup de newsletters sont axées sur « ce que j’ai lu/consommé. » C’est sur leur précieux temps libre que les gens vont suivre vos suggestions alors veillez à ne leur recommander que ce qui vous semble le meilleur. Peut-être même pouvez-vous changer de formule et faire gagner du temps aux gens ? Et si vos lecteurs cherchaient quelque chose de plus simple et moins de suggestions ? Lisez la fin de cet article pour plus d’idées afin de tenir le rythme sur le long terme.

Lancer et construire une newsletter

Avant de vous lancer dans l’élaboration d’une newsletter, il vaut mieux que vous ayez votre propre site ou blog. Vous pourriez aussi démarrer en faisant passer le message sur les réseaux sociaux mais sur le long terme, les réseaux sociaux ne sont pas la meilleure solution parce qu’ils demandent un marketing actif de votre part et que ces plateformes ne vous appartiennent pas. Mettre un formulaire d’abonnement sur votre site (voir comment plus bas) est essentiel : votre liste d’emails devrait s’allonger sans que vous ayez à faire quoi que ce soit, même si votre site ne génère qu’un tout petit trafic.

À part votre site, le seul outil dont vous avez besoin, c’est un service de newsletter qui automatise le processus d’abonnement, conserve les emails de vos abonnés et archive les anciens numéros de votre newsletter. Trois exemples de services :

J’utilise Mailchimp car c’est celui que j’ai toujours connu. Il est gratuit jusqu’à 2000 contacts. Sendinblue est plus intéressant car sa version gratuite ne met aucune limite dans le nombre de contacts. Substack est plus populaire auprès des journalistes et autres métiers en freelance qui songent à rendre leurs newsletters payantes par la suite.

La plupart des services fonctionnent sur une base de double opt-in. Ça veut dire que quand quelqu’un s’abonne à votre newsletter, il ou elle doit confirmer (en cliquant sur un lien dans un mail) qu’il ou elle souhaite vraiment s’abonner. C’est une bonne pratique qui vous évitera de bâtir une liste de piètre qualité.

Et puisqu’on parle de bonnes pratiques, voici la règle la plus importante à respecter : il est possible d’ajouter manuellement des contacts à votre liste (sans confirmation) mais n’ajoutez quelqu’un de cette façon que si il ou elle vous en a donné l’autorisation. La principale raison pour laquelle les newsletters ont mauvaise réputation c’est parce que les gens ne respectent pas cette règle. Ce n’est pas parce que vous vous connectez à quelqu’un sur LinkedIn, dans un salon ou qu’une adresse mail est affichée sur un site que vous pouvez ajouter ce contact à votre liste.

Avant de commencer à envoyer ou à parler de votre newsletter, occupez-vous des points suivants :

  • Personnalisez vos formulaires d’abonnement et de désabonnement. Vous pouvez personnaliser l’en-tête, le texte et les informations que vous collectez de vos abonnés. Pour obtenir un plus grand nombre d’abonnements, vous devriez seulement demander l’adresse mail et le nom de l’abonné (vous pouvez même rendre le nom optionnel). Mais vous pouvez demander presque n’importe quelles informations et les utiliser ensuite pour cibler vos messages et leurs destinataires. Ces informations donnent plus de valeur à votre liste mais elles réduisent le nombre d’abonnements. Vous pouvez également personnaliser les messages de confirmation, de remerciement et de désabonnement.
  • Choisissez une adresse postale. Pour être en règle avec le RGPD, vous devez permettre à vos abonner de se désabonner facilement (l’option sera automatiquement incluse dans vos mails) et indiquer une adresse postale. Les particuliers qui ne souhaitent pas dévoiler cette information arrivent à contourner ça en n’indiquant que la ville et le code postal, par exemple, sans être embêtés.
  • Ajoutez le lien vers le formulaire d’abonnement sur votre site. Peu importe le service que vous choisissez, il vous fournira toujours plusieurs façons de présenter votre formulaire d’abonnement. En général, soit vous mettez un lien vers votre formulaire d’abonnement sur le site du service que vous utilisez (Mailchimp, par exemple) ou vous pouvez intégrer le formulaire directement sur votre site (page, article, header, footer, barre latérale). Pas besoin de savoir coder, les fournisseurs comme Mailchimp vous donne le code à copier/coller sur votre site et ça fonctionne automagiquement. Vous obtiendrez plus d’abonnés si vous intégrez le formulaire d’abonnement sur votre site.
  • Choisissez d’offrir (ou pas) un cadeau. Beaucoup d’auteurs offrent une histoire ou des fiches-conseils à télécharger pour inciter les gens à s’abonner à leurs newsletters. Ça booste sans aucun doute vos abonnements mais ça peut aussi mener à une liste de faible qualité ou à gens qui se désabonneront aussitôt le cadeau téléchargé.

Un dernier mot sur votre newsletter : respectez vos lecteurs. Ne vendez jamais leurs informations, ne leur envoyez pas des messages de marketing impersonnels. La plupart des gens s’abonneront à votre newsletter parce qu’ils veulent entendre parler de vous. Gardez la confiance de vos abonnés en envoyant des mails le plus personnel possible.

Autres types de newsletters

Il y a beaucoup de choses à tester et à explorer dans le monde de la newsletter. Voyez si un de ces modèles peut aussi correspondre à votre travail :

  • Newsletter basée sur le flux RSS. Vous pouvez programmer des emails qui seront automatiquement envoyés à chaque mise à jour du flux RSS. En français, ça veut dire que si vous avez un blog, vous pouvez programmer des emails quotidiens ou hebdomadaires pour prévenir vos abonnés de la publication de nouveaux articles. Vous pouvez n’envoyer qu’un extrait ou l’article en article. (Note : cette fonctionnalité existe également sur WordPress.)
  • Abonnement payant. Certains services, comme Substack, vous permettent de rendre l’accès à votre newsletter payant. Évidemment avant de faire payer vos abonnés, réfléchissez bien au contenu que vous allez proposer. Qu’est-ce qui motiverait les gens à payer même quelques euros seulement ? Dans ce cas de figure, votre contenu ne doit pas servir votre marketing mais plutôt vos lecteurs.

Développer et améliorer votre newsletter

Si vous avez déjà créé des newsletters, vous savez que la partie la plus difficile, c’est l’engagement sur le long terme et la croissance de votre liste d’emails. Vous le sentez quand votre liste commence à stagner, quand vous n’êtes plus excité à l’idée de sortir un nouveau numéro. N’hésitez pas à changer de stratégie quand votre contenu semble perdre sa saveur et quand vos chiffres sont en baisse ; vos lecteurs souffrent certainement du même ennui que vous.

Vous devez faire attention à la façon dont répondent vos abonnés à vos mails (taux d’ouvertures et de clics) car ça vous indique où se trouve l’intérêt du lecteur. Mais voici également ce qui peut booster leur engagement :

  • Améliorez votre appel aux abonnements. Dire « Abonnez-vous à ma newsletter gratuite » n’est pas très excitant et ne va pas vous amener beaucoup d’abonnés. Êtes-vous capable de demander aux gens de s’abonner sans utiliser les mots « gratuites », « newsletter » ou « abonnez-vous » ? Écrivez un message qui vous ressemble pour qu’il parle directement à votre lecteur idéal.
  • Discutez avec vos abonnés. Demandez-leur à la fin de votre newsletter de vous dire ce qu’ils ont aimé ou moins apprécié. Demandez-leur ce qu’ils aimeraient trouver dans un prochain numéro. Voyez si vous pouvez ajouter une rubrique où le lecteur apporte sa contribution pour créer de l’interaction.
  • Essayez un simple test A/B dans l’objet de votre newsletter. Un test A/B c’est quand vous créez deux newsletters mais ne changez qu’un seul critère et les testez en même temps pour voir laquelle a le plus de succès. Je recommande de tester l’objet du mail pour voir lequel donne un plus grand taux d’ouverture. Ainsi avec le temps, vous saurez mieux ce qui incite vos lecteurs à ouvrir vos mails.
  • Évaluez votre usage des images. Si vos emails comportent beaucoup d’images, vérifiez de quoi ils ont l’air quand les images ne s’affichent pas. Vos lecteurs peuvent-ils tout de même voir l’information ou le call to action ?
Dernier conseil avant de se quitter

Les newsletters sont souvent perçues comme un moyen de communication pratique mais ennuyeux alors qu’elles peuvent être un moyen de publication créatif, facile à lire, à partager, à sauvegarder et à réutiliser. Et si vous faisiez une édition limitée de votre newsletter pour y proposer une série d’histoires ? Pourquoi ne pas changer le thème de votre newsletter régulièrement (un peu comme les restaurants qui revoient régulièrement leurs menus) ? Et si votre lecteur devait chercher des indices ou des clins d’œil dans chaque numéro ? Réfléchissez à ce que votre newsletter peut proposer.

Coralie Raphael
Coralie Raphael

Je parle beaucoup d'auto-édition et essaie d'aider les auteurs à comprendre dans quoi ils mettent les pieds. Parfois j'écris aussi des livres.
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Publications: 260

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