J’ai regroupé ici des informations de mes articles précédents pour aider les auteurs à poser des questions à leur éditeur (contrat déjà signé ou non). J’ai aussi essayé d’inclure des indicateurs qui vous aideront à repérer les réponses inutiles. Si vous avez un agent, posez-lui ces questions ou demandez-lui de vous aider dans ce genre de discussion.
C’est un long article, mais ce n’est pas une liste exhaustive de questions, et ça reste une liste générale utilisable par n’importe quel auteur. N’hésitez pas à laisser des conseils et des idées en commentaires pour m’aider à améliorer tout ça.
Comme pour la plupart des choses que j’écris sur le milieu de l’édition, je me dois de faire une mise en garde : cette industrie peut ressembler à une douzaine d’industries toutes mélangées ensemble. Les petits éditeurs ou les éditeurs indépendants peuvent avoir peu (ou pas) de points communs avec les quatre grands groupes d’édition en matière de puissance marketing. Leur soutien peut sembler très différent de celui d’un gros éditeur. Mais ça ne signifie pas que ce soutien n’est pas précieux ou significatif. Une petite maison d’édition peut offrir une attention plus personnalisée et un enthousiasme qui dure bien au-delà du lancement du livre. Ils peuvent être plus souples et plus concentrés sur le type de marketing qui conduit à des ventes rentables. Parce qu’ils doivent l’être, ou ils feront faillite. Respectez le fait que chaque éditeur a des points forts uniques (et, certainement, des faiblesses).
Les responsabilités des éditeurs traditionnels
Pour simplifier grandement les choses, un éditeur traditionnel a quatre responsabilités principales :
- Produire le livre de la meilleure qualité possible, quel que soit le format. Ça comprend l’édition, la conception, l’emballage et la production.
- Vendre le livre à des clients, tels que les librairies, les grandes surfaces spécialisées, tous types de détaillants, et les bibliothèques (en gros, n’importe quel endroit vendant des livres).
- Promouvoir le livre auprès des professionnels, comme les libraires, les bibliothécaires, et les magazines littéraires (par exemple, Lire Magazine ou PAGE des libraires).
- Promouvoir le livre auprès des lecteurs, que ce soit par le biais du marketing grand public (newsletters et réseaux sociaux, par exemple) ou par le biais des médias traditionnels et de la publicité (journaux, magazines, télévision, radio, etc.). Vous voudrez poser des questions concernant chacun de ces quatre domaines.
Vous devrez poser des questions sur chacun de ces quatre domaines.
1. Produire le livre de la meilleure qualité possible
Qui sera votre éditeur ?
S’agira-t-il de la même personne que celle qui acquiert votre ouvrage ou qui fait l’offre, ou d’une autre personne ? Travaillerez-vous avec des collaborateurs internes ou indépendants ? Dans le cas d’un éditeur indépendant, comment est-il sélectionné ?
Examinez les couvertures récentes de l’éditeur.
Quelle histoire ces couvertures racontent-elles ? À quel public s’adressent-elles ? Seriez-vous à l’aise si votre couverture ressemblait à ce que vous voyez représenté ? Si ce que vous voyez vous préoccupe, discutez-en avec l’éditeur.
Quels formats l’éditeur prévoit-il de publier et quand ?
Ça dépend du type d’éditeur avec lequel vous travaillez (et ses projets peuvent changer). Mais le contrat d’un éditeur des quatre grands groupes comprend généralement les droits de publication dans tous les formats, y compris audio. Ils ont tendance à publier les titres de fiction qu’ils soutiennent le plus en version reliée, ebook et audio pour commencer. Puis ils attendent 1 à 2 ans avant de publier le livre de poche. Les tarifs (et donc les droits d’auteur) sont différents pour chaque format. Déterminez donc ce qui est la norme ou ce que vous pouvez attendre de votre éditeur. Vous pouvez généralement vous en rendre compte en consultant le catalogue des nouvelles parutions. Votre agent littéraire devrait également le savoir.
2. Vendre le livre à des clients
La valeur d’un éditeur traditionnel réside en partie dans sa capacité à vendre votre ouvrage à des librairies physiques, des grandes surfaces spécialisées, des bibliothèques, etc. Il présente votre livre, même si ce n’est que pendant sept secondes, à des clients comme Cultura. La plupart des éditeurs traditionnels travaillent encore en fonction des saisons. Ça signifie qu’ils ont une liste pour l’automne et une liste pour le printemps. Il y a donc des réunions de vente pour l’automne et pour le printemps afin de déterminer le placement des livres.
L’éditeur dispose-t-il de sa propre équipe de vente ?
Si ce n’est pas le cas, travaille-t-il avec un diffuseur (ou un éditeur plus important) pour présenter votre livre à des clients ? Renseignez-vous auprès de votre agent ou de votre éditeur, ou consultez le site de votre maison d’édition. L’équipe de vente est en grande partie responsable de la présentation de votre livre. C’est elle qui s’occupe des commandes et du placement. Elle communique avec les clients et peut être chargée de susciter l’enthousiasme. Vous devez savoir qui va défendre votre livre et si votre éditeur est en contact direct avec ces personnes. Si ce n’est pas le cas, qui le fera ? Pouvez-vous assister aux présentations commerciales ? Pouvez-vous leur présenter vos arguments en personne ou virtuellement ?
Quelle est la date de sortie prévue ?
Vous semble-t-elle logique ? Les éditeurs publient souvent leurs « gros » livres à l’automne, mais pas toujours. Les livres de plage peuvent sortir en été. Les livres liés aux résolutions du Nouvel An sortent à temps pour la publicité de janvier. Demandez à votre agent ou à votre éditeur ce qu’il pense de la date de sortie. Pourquoi tombe-t-elle tel mois en particulier ?
Lisez les descriptions de livres récents sur le site de l’éditeur et sur les sites marchands.
Quel est le public visé par le texte publicitaire de ces titres ? Sur quoi l’éditeur met-il l’accent ? Comment le livre est-il positionné ? Comment l’éditeur compte-t-il positionner votre livre ?
Important
Votre éditeur est en grande partie responsable de la distribution des premières versions de votre ouvrage au personnel de vente et de marketing interne afin de susciter l’enthousiasme et le soutien. L’éditeur présentera également votre ouvrage lors d’une réunion de vente saisonnière. Il fera des suggestions sur le meilleur positionnement possible de votre livre sur le marché. Il prend des décisions importantes alors que vous êtes peut-être encore en train d’écrire ou de réviser votre livre, et vous ne vous en rendrez peut-être pas compte. Restez en contact étroit avec votre éditeur. Demandez-lui de vous parler de ces réunions de vente et de ces plans de marketing.
Quelques mois avant la sortie de votre livre, une fois que la couverture et le titre sont relativement définitifs, le processus de vente de l’éditeur commence. Ça coïncide généralement avec la publication du catalogue saisonnier des titres de l’éditeur. Demandez un exemplaire de ce catalogue à votre éditeur. Passez à la page où figure votre titre. Comment est-il positionné ? S’il bénéficie d’une pleine page au début du catalogue, ça signifie qu’il est traité et soutenu comme un titre de premier plan. S’il est caché, ce n’est pas le cas. Que dit le catalogue du plan de commercialisation de l’éditeur concernant votre livre ? Si vous avez bien communiqué avec votre éditeur ou votre rédacteur en chef, rien de ce que vous verrez dans le catalogue ne vous surprendra. (On y revient plus loin.)
Au moment où les appels de vente sont effectués, l’éditeur a déjà déterminé et budgété les initiatives de marketing les plus importantes pour chaque livre. Les campagnes publicitaires à grande échelle sont inscrites au calendrier et les engagements médiatiques à venir (comme un extrait à paraître dans un magazine) peuvent être présentés comme une raison de s’engager sur un chiffre de vente élevé.
3. Promouvoir le livre auprès des professionnels
Les professionnels sont les initiés du secteur de l’édition, c’est-à-dire les libraires, les bibliothécaires et les critiques. Ils sont généralement les premiers à faire connaître votre livre et à le rendre visible aux lecteurs. Il est peu probable qu’un éditeur dispose d’un plan de marketing complet au moment de la signature du contrat. Vous n’obtiendrez donc des réponses claires et précises sur ces questions qu’à un stade ultérieur du processus. Mais vous pouvez avoir une idée générale de sa stratégie ou de sa réflexion. Le montant de l’avance est aussi susceptible d’indiquer son sérieux.
Votre éditeur investira-t-il dans des exemplaires de service de presse (SP) ?
Les éditeurs produisent souvent des exemplaires de service de presse avant sa sortie. Ils les envoient à ceux qui, selon eux, sont les plus susceptibles d’offrir un placement, une critique ou une couverture. Les SP sont envoyés sous forme d’exemplaires imprimés par la poste ou sous forme numérique, parfois par l’intermédiaire de services comme NetGalley.
Demandez à votre éditeur qui il compte cibler avec les SP. Il peut se concentrer sur les librairies indépendantes, certains types de bibliothèques, les influenceurs comme les Bookstagrammers ou les clubs de lecture. Mais dans l’idéal, vous recherchez un plan précis, réaliste et concret. Notez que certaines petites maisons d’édition ne peuvent pas jouer le jeu du SP comme les quatre grands groupes d’édition (ça peut prendre du temps, coûter cher et être frustrant). Ce n’est pas nécessairement une raison pour ne pas signer. Il suffit d’obtenir des précisions sur ce qu’ils prévoient de faire à la place.
Partirez-vous en tournée ?
Les éditeurs ne sont plus aussi enthousiastes qu’avant pour financer les tournées. Mais les tournées régionales ou dans des villes ciblées existent toujours, en particulier quand l’accent est mis sur l’attrait des librairies indépendantes et des bibliothèques.
Où l’éditeur fera-t-il de la publicité ?
Certains éditeurs annoncent leurs nouvelles parutions dans Lire Magazine, Livres Hebdo, PAGE des libraires, etc. Il n’y en a pas un meilleur qu’un autre ; tout dépend de la stratégie de vente et de marketing.
L’éditeur a-t-il l’intention d’insister sur la reconnaissance (prix littéraires, etc.) ?
Il existe toutes sortes de sélections de clubs de lecture, de prix littéraires et autres types de reconnaissance qu’un livre peut recevoir. Votre éditeur pense-t-il que votre titre se prête à une telle exposition ? Pourquoi ?
Les éditeurs peuvent tenter d’obtenir une présentation promotionnelle de votre livre chez un grand détaillant. Ces présentations sont toujours payantes et c’est le détaillant (et non l’éditeur) qui décide en dernier ressort de l’espace d’affichage. Il est peu probable qu’un éditeur obtienne un tel placement avant d’avoir présenté le livre à ses clients. La confirmation peut donc n’avoir lieu qu’à une date proche de la sortie du livre.
4. Promouvoir le livre auprès des lecteurs
Certains éditeurs peuvent faire un travail remarquable en produisant un livre de qualité, en le vendant à des clients et en le plaçant dans toutes les librairies du pays… Mais personne ne se présente pour l’acheter. De nos jours, il est nécessaire d’évaluer la capacité d’un éditeur à toucher directement les lecteurs.
L’éditeur dispose-t-il d’une équipe marketing ?
Travaillerez-vous avec un publicitaire ? S’agit-il d’un collaborateur interne ou d’un indépendant ? Une fois que vous aurez pris contact avec un publicitaire, vous devrez vous enquérir de sa stratégie. Un plan de diffusion général et massif est rarement à votre avantage, surtout s’il n’est pas mesurable. On mesure plus facilement un plan d’attaque spécifique ( « Veillons à ce que tous ceux qui aiment XYZ connaissent ce livre ») et c’est plus efficace.
Y aura-t-il une campagne de précommande ?
Une campagne de précommande menée par l’éditeur pourrait tenter de faire connaître le livre à l’avance, en particulier par le biais des canaux numériques. Certains éditeurs annoncent les précommandes sur les réseaux sociaux et utilisent ces informations pour contribuer à la campagne de marketing de façon générale (peut-être même en modifiant le titre et la couverture s’ils estiment que le positionnement n’est pas bon).
Y aura-t-il des services presse ou un partenariat avec des influenceurs avant la sortie de l’ouvrage ?
Les éditeurs peuvent investir dans l’offre de SP sur Babelio, NetGalley ou sur les réseaux sociaux. Ça se fait généralement en deux vagues : quelques semaines avant la sortie, puis juste avant la sortie. Ça permet d’accroître la visibilité et les critiques sur Babelio et d’autres plateformes. (Notez qu’Amazon n’autorise pas les commentaires de clients avant la date de sortie).
L’éditeur dispose-t-il d’une newsletter, de comptes sur les réseaux sociaux ou d’autres plateformes où il parle des nouvelles parutions ?
Déterminez tous les atouts de votre éditeur afin de vous assurer qu’il fait la promotion de votre livre dans tous les médias qu’il possède.
Où l’éditeur fera-t-il de la publicité ?
Les professionnels du secteur affirment souvent que la publicité dans des journaux généralistes ne fait pas vendre de livres. Que ça ne sert qu’à satisfaire l’ego d’un auteur. Quoi que vous en pensiez, c’est vrai qu’une publicité dans un magazine spécialisé ou dans une newsletter de niche peut être beaucoup plus efficace pour stimuler les ventes qu’une publicité grand public. Tout dépend du livre et de la nature de la campagne.
Étudiez les titres récents de l’éditeur sur son site ou chez un détaillant en ligne.
Y a-t-il des critiques éditoriales (professionnelles) qui indiquent que quelqu’un s’est empressé de contacter les médias ? Suivez le fil d’Ariane publicitaire des titres récents. Vous devez avoir la preuve que l’éditeur soumet le livre aux médias appropriés pour qu’ils le couvrent.
Le mot de la fin
C’est bien connu et même reconnu par les éditeurs : tous les livres ne font pas l’objet d’une promotion adéquate ou équitable. Ça s’explique en partie par le fait que les éditeurs signent plus de livres qu’ils ne peuvent en soutenir suffisamment avec le personnel en place. Ils sont aussi susceptibles de mettre tout leur poids dans la balance pour une poignée de titres chaque saison (ceux qui ont reçu les avances les plus importantes, en général).
Les possibilités de promotion des livres peuvent être concurrentielles, étant donné le nombre limité (et parfois décroissant) de médias offrant des critiques de livres et autres possibilités de couverture. Les éditeurs sont également coupables de ne pas réfléchir de manière créative au moment et à l’endroit où les livres peuvent faire l’objet d’une critique ou d’une discussion, et de quelle façon. Le résultat, c’est que les éditeurs ne peuvent compter que sur l’espoir qu’un livre trouve son public.
C’est important de comprendre qu’une fois votre livre sorti, la majeure partie du travail de vente et de marketing de l’éditeur est (à ses yeux) déjà terminée. Une grande partie de la couverture médiatique aura été préparée des semaines ou des mois plus tôt. Si rien ne se passe pour aider le livre à se vendre au cours des trois premiers mois environ, l’éditeur tournera son attention vers la prochaine saison de livres. Si le livre ne se vend pas en quantité suffisante au cours de ses six premiers mois en rayon, il sera renvoyé et ne sera pas réapprovisionné, pour faire place aux titres de la saison suivante.
Même si votre lancement s’avère décevant, il y a encore de l’espoir. Il peut trouver une nouvelle vie en livre de poche et avoir une seconde chance de bénéficier d’une couverture éditoriale. Par ailleurs, si votre livre reçoit un prix important ou attire l’attention des médias après sa sortie, l’éditeur pourra alors le revendre ou le présenter à nouveau aux clients, afin de plaider en faveur d’un achat plus important.
À votre tour
Si vous êtes un auteur publié traditionnellement, qu’avez-vous demandé à votre éditeur au sujet de son plan de marketing ? Quelles réponses avez-vous reçues ? Que souhaiteriez-vous avoir demandé à votre éditeur ?
Si vous vous demandez actuellement si vous devez accepter une offre, j’espère que votre agent pourra vous guider de manière adéquate. Si vous n’avez pas d’agent, vous pouvez adhérer à des organismes comme La Ligue des auteurs professionnels ou l’Union des écrivaines et des écrivains québécois et bénéficier d’une aide juridique.