Dans l’édition traditionnelle, soumettre son manuscrit à un éditeur est une étape inévitable sur le chemin qui mène aux étagères des librairies. Mais dans quelle mesure est-il nécessaire d’éditer quand on s’auto-publie ? Un auteur qui s’auto-publie a-t-il besoin de chercher un éditeur ? Et si oui, quand, où, comment ?
Commençons par le commencement :
Avez-vous besoin d’un éditeur ?
Pour moi, la réponse est oui.
Le plus grand avantage d’un éditeur est qu’il n’est pas l’auteur. Un éditeur, c’est quelqu’un d’autre. Certains sont des auteurs professionnels, mais chacun d’entre eux est surtout un lecteur professionnel. En tant qu’auteur, vous êtes probablement un lecteur avide mais vous ne serez jamais un vrai lecteur de votre livre. En le faisant venir au monde, vous demandez à d’autres personnes de lire quelque chose que vous n’avez jamais lu. Si vous souhaitez sincèrement que le livre soit le meilleur possible, alors vous devez demander à quelqu’un d’autre de le lire d’abord. Vous devez ça à votre livre, à vous-même et à vos lecteurs.
Le travail d’un éditeur, c’est de découvrir vos personnages, vos situations et vos images sans avoir assisté au processus artistique qui leur a donné vie. Là où vous verrez toutes les ratures et le dur labeur, tous les accidents et toutes les décisions, l’éditeur, lui, ne voit qu’une page. C’est la lucidité dont vous avez besoin, et que vous n’aurez jamais vis-à-vis de votre propre travail, tout simplement parce que vous l’avez conçu. L’éditeur vous dira ce qu’un lecteur attentif, instruit et, plus important, ce qu’un nouveau lecteur ressentira en lisant votre livre.
Quand confier son manuscrit ?
C’est difficile de répondre à cette question sans expliquer en quoi consiste le travail d’un éditeur. Les éditeurs peuvent faire :
- un travail de fond : caractérisation, rythme, intrigue, etc.
- un travail de forme : grammaire, ponctuation, etc.
- ou les deux.
(Au passage, la relecture est indispensable mais c’est l’étape finale, quand vous en êtes à traquer les dernières coquilles une fois que le livre est prêt pour l’impression. Les auteurs qui pensent que relire c’est éditer risquent de rencontrer des problèmes.)
Alors quand chercher un éditeur ? La logique voudrait qu’on s’occupe d’abord du travail de fond puis de la forme mais ce dont vous avez besoin dépend de votre livre. Mais dans chaque situation, vous devez confier votre manuscrit quand vous ne pouvez plus rien faire pour l’améliorer seul.
En d’autres mots, vous devriez corriger, ajuster et peaufiner jusqu’à ce que le changement suivant n’améliore plus votre livre. En général, vous vous en rendez compte quand ça arrive (vous sentez que vous faites du surplace et ne découvrez plus de nouveaux horizons).
Mais ça peut être utile de demander à des lecteurs non-professionnels (ou des bêta-lecteurs) de jeter un œil à votre manuscrit avant de le confier à un éditeur. Pour établir une analogie avec la peinture : peignez autant de couches que vous le souhaitez avant d’appliquer le vernis. (Vous pouvez toujours peindre par-dessus le vernis mais ce serait du gâchis, non ?)
Comment trouver un éditeur ?
De nos jours, il y a autant de façons de trouver un éditeur que de trouver l’amour. Plutôt que de lancer un filet dans le vaste océan des moteurs de recherche, il vaut mieux concentrer vos efforts sur des communautés ou des réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn.
L’idéal, c’est que quelqu’un de confiance vous recommande un éditeur. Vous pouvez demander des recommandations là où se réunissent les auteurs comme sur Twitter en targuant le compte @CommuAuteurs, par exemple.
Ne contactez pas un seul un éditeur, contactez-en plusieurs. Pour choisir le bon partenaire, il y a trois critères à garder en tête : le livre, le commercial et le relationnel.
1. Le livre
Le facteur le plus décisif doit être la qualité de l’édition. Cet éditeur va-t-il vous aider à améliorer votre livre ? Pour le savoir, rien ne vaut un aperçu de son travail (même si vous devez payer pour). Les témoignages de personnes qui ont déjà travaillé avec ces éditeurs vous aideront à réduire le nombre de candidats mais vous devriez soumettre le même extrait de votre travail à plusieurs éditeurs et comparer leurs retours. Certains éditeurs seront trop exigeants et d’autres pas assez ; certains « comprendront » facilement votre écriture, d’autres auront l’air de parler une autre langue. D’après mon humble expérience, le CV d’un éditeur est bien moins révélateur que la qualité d’un exemple de son travail. Si un éditeur rechigne à vous montrer comment il travaille, n’ayez pas peur d’insister : personne ne devrait s’attendre à vous voir investir dans une voiture sans l’avoir essayée au préalable !
2. Le commercial
Travailler avec un éditeur, c’est une transaction commerciale. Ça signifie qu’il va y avoir un échange d’argent. Vous devez donc avoir une approche à la fois artistique et commerciale (un double rôle de plus en plus commun à l’ère de l’autoédition). Comparez les offres qu’on vous fait. Les éditeurs qui travaillent avec de grandes maisons d’édition peuvent (mais pas forcément !) avoir des conditions peu arrangeantes (comme un taux horaire, ce qui est moins facile à budgéter qu’un contrat qui détermine un montant fixe) tandis que des éditeurs moins reconnus offriront peut-être des ristournes ou autres gestes commerciaux (comme la mise en page). N’ayez pas peur de demander. Engager un éditeur est un investissement professionnel. Un aperçu de son travail vous permettra d’estimer la valeur du service mais n’oubliez jamais le prix.
3. Le relationnel
La technologie a peut-être changé la façon dont les livres sont produits et diffusés, au final, la connexion entre le lecteur et l’auteur est une des plus durables et personnelles. Vous devez porter une attention particulière à l’attitude de l’éditeur et décider si votre relation s’annonce agréable, professionnelle et productive. L’éditeur est-il trop brusque ou trop lent à répondre à vos mails ? Si ses commentaires sont trop durs dans l’extrait que vous avez fourni, comment allez-vous gérer les remarques qui piquent sur des centaines de pages ? Au-delà de l’aspect financier, éditer peut s’avérer être un voyage émotionnellement intense ; assurez-vous que votre éditeur sera un bon compagnon de voyage.
Peu importent les changements de l’industrie du livre, les auteurs auront toujours besoin des éditeurs. (Encore une fois, ce n’est que mon avis.) Mais n’oubliez pas qu’un éditeur est plus comme un thérapeute qu’un chirurgien. L’éditeur ne tient pas le scalpel et vous n’êtes pas allongé sans défense : aussitôt l’édition du livre achevée, la vie du livre est entièrement entre vos mains.
J’aime bien, tu présentes tout ça comme si c’était chose aisée de trouver un éditeur. X) C’est très, très, très (et d’autres) utopique.
Haha, mais oui, trouver un éditeur freelance n’est pas bien difficile ! Après c’est vrai que tous ne travaillent pas forcément avec les auteurs indépendants et que leurs services sont onéreux. Mais certains sont flexibles. Travailler avec un éditeur, même quand on est auteur indépendant, ce n’est pas aussi inaccessible qu’on pourrait le croire !
Très intéressant, merci. J’ai trouvé votre site car j’ai des amis auteurs qui s’auto-publient. Ils m’ont expliqué la différence entre ceux qui éditent et ceux qui publient, car en France cette distinction n’est pas visible. A publisher se dit d’ailleurs un éditeur chez nous. Il existe des espaces où l’on peut trouver des éditeurs freelance en anglais mais en français je n’y arrive pas.
Vous pouvez trouver quelques éditrices dont je recommande le travail sur cette page. Je peux vous donner d’autres noms par mail, mais ce sont des personnes avec qui je n’ai pas eu l’occasion de travailler.