Vous avez attendu vos vacances toute l’année et avez décidé de les passer chez vous, dans votre bureau, à écrire. Vous avez des semaines de libre. Et vous avez aussi un but : écrire, écrire et écrire.
Sauf que vous ne le faites pas.
Ou vous avez tout fait pour vous dégager deux heures par jour où vous ne travaillez pas, n’êtes pas de corvées ménagères ou n’avez pas à vous occuper des enfants ; vous êtes dans une pièce calme, prêt à écrire.
Mais vous ne le faites pas.
Je ne parle même pas de confinement — qui arrive à faire quoi que ce soit pendant cette pandémie ? Difficile de voir ce temps libre comme un don du ciel. Mais vous êtes décidé à essayer… et ça ne veut pas.
Vous avez peut-être écrit une page mais n’en êtes pas particulièrement satisfait. Mais puisque vous avez bel et bien écrit quelque chose, vous ruminez sur ce qui cloche jusqu’à ce que ce soit l’heure de sortir le chien.
Que s’est-il passé ? Pourquoi ce temps libre est-il si peu productif — et que faire pour le transformer en ce moment créatif tant espéré ?
Nous sommes habitués à ce que notre temps soit structuré et planifié. Une journée est divisée en blocs d’une heure ou de 15 minutes. À la maison, on se disperse — on choisit une nouvelle lecture, on regarde la météo de demain… Ces moments de laisser-aller sont importants pour un auteur ; nous avons besoin de temps pour rêvasser.
Mais je ne vous apprends rien en vous disant que le travail créatif nécessite aussi de la concentration et de l’organisation. Des buts aussi, oui, mais peut-être pas ceux dont vous avez l’habitude.
En fait, ce dont vous avez besoin, ce n’est pas d’un but mais d’un défi.
C’est ce que je me dis quand je m’organise pour finir (ou commencer) un long projet :
Vise un peu plus que ce que tu penses pouvoir faire.
Je ne parle pas de défis dingues comme écrire 30 pages par jour — ça c’est juste se mettre une pression folle sur les épaules et risquer de connaître une grande frustration au bout de quelques jours seulement. Ou pire, vous allez peut-être écrire juste pour atteindre le nombre de pages fixé et allez broder avec des tonnes de descriptions et des digressions bâclées jusqu’à perdre vos personnages de vue.
J’ai toujours pensé que si vous devez estimer de façon réaliste ce dont vous êtes capable dans un temps imparti — disons deux semaines — vous allez sous-estimer ce dont vous êtes réellement capable. Imaginons que vous pensez pouvoir écrire disons 40 bonnes pages. C’est plutôt pas mal.
Maintenant essayez de vous dire que vous allez écrire 50 pages. C’est un but un peu moins raisonnable mais un bon défi. C’est juste un poil hors de portée mais pas beaucoup plus que ce dont vous êtes capable.
Si vous réussissez à écrire 50 pages satisfaisantes : magnifique ! Vous serez fier de vous. Même si vous n’y arrivez pas, vous pouvez être fier de vous parce vous aurez fait du bon boulot et quasiment relevé un défi ambitieux.
Ainsi vous évitez d’arrêter d’écrire après avoir atteint un but beaucoup trop accessible — ou d’écrire lentement parce que finalement vous n’avez prévu d’écrire que 40 pages…
Vous voyez, le danger quand vous vous fixez un but trop simple, c’est que vous êtes sûr de l’atteindre. Quand les gens atteignent leur but, ils font une pause pour respirer. C’est naturel ; les marathoniens ne courent pas quelques kilomètres de plus une fois passée la ligne d’arrivée.
Voyons maintenant ce qui semble être le conseil inverse. Regardez le monde par une fenêtre de la taille d’un timbre et donnez-vous de petites tâches à accomplir surtout en début de projet. C’est un excellent conseil qui rend pas le premier mauvais. De petites tâches peuvent mener à un roman de 500 pages mais pour que ce roman soit achevé vous allez devoir garder un œil sur l’horizon, sur la quantité de choses que vous pouvez faire en deux semaines ou en un mois, sur le livre que vous souhaitez écrire… Vous avez à la fois besoin d’énormément de petites tâches et de vous lancer un défi.
Vous réussirez ou ne réussirez pas mais dans tous les cas vous serez surpris de voir tout ce que vous aurez accompli en cherchant à atteindre ce but juste un peu hors de votre portée.
Essayez pendant deux semaines, peu importe le temps libre que vous avez : donnez-vous un but raisonnable à atteindre puis lancez-vous le défi de le dépasser. Si vous aimez compter disons de 15 pour cent.
N’aimeriez-vous pas être surpris ?