Équilibrer le dialogue et la description

Pour rendre une scène de dialogue fascinante, le dialogue et le non-dialogue doivent être complémentaires. Si l’équilibre est rompu, une de ces deux choses arrivera :

  1. Si votre scène contient trop de dialogues (et pas assez de descriptions), votre lecteur pourrait être désorienté et oublier l’environnement des personnages. Il pourrait également avoir l’impression qu’il manque quelque chose. Quand nous discutons dans la vraie vie, nos pensées ne sont pas exclusivement tournées vers ce que nous disons. En général, on fait quelque chose d’autre en parlant. On boit de temps en temps une gorgée de thé ou on gribouille sur un bloc-note pendant de longues discussions téléphoniques, n’est-ce pas ? Du moins, on voit ou entend quelque chose d’autre. Nos répliques n’occupent pas complètement nos réalités. Elles ne devraient pas occuper une scène entière dans nos réalités de lecteurs, non plus. En littérature, les lecteurs ont l’habitude d’une interaction entre le dialogue et l’environnement. Ils sont conditionnés et s’attendent à cette interaction.
  2. Si, au contraire, votre scène contient trop de descriptions (et pas suffisamment de dialogues), il y a de grandes chances qu’elle devienne ennuyante. Vos lecteurs veulent voir de l’interaction entre les personnages.

Signes que vous avez trop de dialogues

Votre récit manque certainement de descriptions si le lecteur ressent le moindre doute sur qui parle ou comment se tiennent les personnages.

Mais même si l’affectation du dialogue et du mouvement dans votre scène est parfaitement claire, la description peut manquer d’une autre façon. Quand vous lisez votre scène à voix haute, la description vous donne-t-elle un aperçu de l’atmosphère ?

Les grandes histoires ne sont pas juste faites de personnages et de conflits. Elles font aussi appel à la description et au cadre pour créer une atmosphère fascinante. Imaginez un fantôme dans une rue très fréquentée en plein jour. Il ne ferait pas le même effet que dans un vieux château aux portes grinçantes et rempli de toiles d’araignée, n’est-ce pas ? Le cadre fait toute la différence.

Ressentez-vous l’atmosphère du lieu grâce à la façon dont vous avez écrit la scène ou est-elle juste dans votre tête ? Si elle n’est que dans votre tête, votre scène manque de description.

Enfin, il est possible que vous étiez tellement concentré à trouver des mots fascinants à faire dire à vos personnages que sur la forme, votre dialogue n’est plus qu’un échange monotone. Même en cas de monologue, il vaut mieux glisser quelques mots sur l’environnement du personnes de temps à autre.

Signes que vous avez trop de descriptions

D’abord, vérifiez que votre description fait avancer votre scène.

Un personnage qui marche vers son buffet pour se servir un verre de cognac peut être une bonne idée et apporter un peu de saveur à la scène. Mais si vous écrivez des phrases et des phrases ou mêmes des paragraphes sur ce personnage qui va chercher ses pantoufles, nourrir le chat et le caresser alors le rythme de la scène risque de devenir insupportablement lent. Votre lecteur dira ça autrement, lui. Il dira que c’est « chiant ».

Comment reconnaître une description qui ne fait pas avancer la scène ?

N’importe quelle nouvelle information qui fait bouger l’intrigue, un personnage ou qui crée une atmosphère peut aider à faire avancer une scène. Mais si des descriptions sans ce double objectif s’enchaînent, alors votre scène sera statique.

Gardezen tête que même du divertissement pur et simple peut aussi être un moyen de faire avancer une scène. Mais si vous êtes dans l’excès de détails au sujet d’un personnage, d’un lieu ou d’une action, il y a de fortes chances que votre scène de dialogue soit surchargée par trop de descriptions. À moins que ralentir le rythme de la scène soit votre intention, bien sûr.

Testez votre dialogue : quand vous lisez une réplique, est-ce que vous avez déjà oublié la précédente ? Si c’est le cas, la connexion est cassée et votre description étouffe le dialogue. Réduisez la description.

6 excellentes façons de soutenir le dialogue à l’aide de la description

Donc vous savez que votre scène a besoin d’une certaine quantité de description. Mais comment s’assurer de créer à la fois une scène riche et vivante et une histoire convaincante ?

  1. Faire avancer l’intrigue. Évidemment, on utilise la description pour développer l’intrigue. Gabriel ose enfin embrasser Claire ou donne un coup de poing à Grégory. Souvent, le dialogue va aller crescendo jusqu’à ce moment-clé. Quand le climax arrive enfin, gardez la description de l’action brève. Passez plus de temps sur la psychologie des personnages. On veut du psychodrame. Couper la scène peu de temps après le climax est aussi une bonne idée. Décrire l’ordinaire serait superflu et rédhibitoire à ce moment de l’histoire.
  2. L’orientation. Pendant tout le dialogue, il est essentiel que votre lecteur sache clairement qui parle. Si vous avez seulement deux personnages qui parlent à tour de rôle, c’est pas si compliqué. Une incise, de temps en temps, avec le nom de celui qui parle fera l’affaire. En revanche, s’il y a plusieurs personnages qui parlent et ce, pas forcément dans le même ordre, alors il faut faire plus attention. Là encore, vous pouvez mentionner le nom de celui qui parle dans une incise ou dans la description d’une action. Chacun de vos personnages devrait aussi être reconnaissable à son discours et à sa façon de s’exprimer. Si la position de vos personnages a de l’importance lors d’une scène, assurez-vous que le lecteur comprenne bien leurs emplacements et leurs mouvements, également. Ne dites pas qu’Henri est près de la porte et qu’il chuchote à l’oreille de Charlotte qui est assise à l’autre bout du couloir. Comme avec les didascalies au théâtre ou au cinéma, vous pouvez transmettre un message de façon subtile grâce aux mouvements d’un personnage et son langage corporel. Imaginez Léo qui détourne le regard alors qu’il avoue une vérité dérangeante. Ou Marie qui se rapproche lentement de Clovis tout au long de la scène, attirée par lui.
  3. L’information. Pour chaque information que vous donnez au lecteur pendant une scène de dialogue, vous avez deux options. Inclure l’information dans le dialogue ou dans la description. Le dialogue sera souvent le choix plus évident et le plus simple. Car on peut parler de tout et n’importe quoi. Parfois, le cadre offrira de généreuses informations ou ce sera votre personnage qui les donnera de façon naturelle.
  4. La caractérisation. Ces petits gestes que nous faisons quand nous parlons ne mentent pas. Si votre personnage joue nerveusement avec un stylo ou se frotte les mains à l’idée de sa prochaine victoire, il dit quelque chose de lui. S’il arrose ses plantes, nous savons qu’il aime les plantes (ou du moins qu’il en possède). Si elle s’arrête devant une vitrine pour admirer une poussette, elle a peut-être un désir secret (ou pas) de maternité. Soyez astucieux, vous pouvez utiliser le moindre geste, la moindre action de votre personnage pour parler de lui à vos lecteurs.
  5. L’atmosphère. On a déjà un peu parlé de l’atmosphère plus haut. Toute description est une bonne occasion de donner le ton : l’énorme et bruyante machine à laver, une brise tiède… Mais attention à ne pas en faire trop, semez les informations avec parcimonie.
  6. Le divertissement. N’oubliez pas pourquoi votre histoire existe avant tout : divertir votre lecteur. Pour un scénariste, il est presque obligatoire de donner à chaque scène sa propre source de divertissement mais les romanciers peuvent tirer profit de cet état d’esprit, aussi. Imaginons un histoire à propos d’un homme nommé Gilles qui attaque en justice une énorme société. Quand Gilles entre dans le bureau de son avocat pour la première fois, il le trouve suspendu par les pieds au plafond et pendant toute la consultation, il fera du yoga dans cette position. Sa posture, surprenante et ridicule, n’a rien à voir avec l’intrigue mais c’est un élément dont l’auteur peut se servir dans une scène.

De bonnes descriptions peuvent avoir plusieurs de ces fonctions à la fois. Comme pour tout élément de votre histoire (par exemple, les personnages, l’intrigue…), ces fonctions ne sont pas juste à mettre côte à côte, mais sont profondément connectées et ont un fort impact l’une sur l’autre.

Quand est-ce qu’il y a assez de description ?

Il n’y a pas de règles à suivre. De grands auteurs ont écrit des scènes faites presque entièrement de dialogues et ça marche. Le dernier roman d’Amélie Nothomb, Les aérostats, est une œuvre que je trouve formidable, composée presque entièrement de dialogues non attribués.

Mais s’il n’y a pas de formule mathématique, il y a tout de même un indicateur qui peut aider. Ça demande un peu d’expérience, c’est une chose pour laquelle il vous faudra développer votre sixième sens et qu’on ne peut pas expliquer dans un simple article de blog. Je veux parler du rythme.

Chaque scène, tout comme chaque phrase et l’intrigue de votre histoire, possède un certain rythme. Dans chaque scène de dialogue, l’interaction entre le discours direct et la description établit automatiquement un certain rythme.

Après une certaine quantité de discours direct, le lecteur s’attend à une description. Après quelques descriptions, il s’attend à nouveau à un discours direct. Ça satisfait notre besoin de flux et reflux, de musique dans l’oreille de notre esprit. Ça sonne bien.

En prenant de l’expérience, vous rendrez votre oreille sensible à ce qui sonne bien et aux dissonances. Vous commencerez à identifier clairement les parties qui manquent de dialogues et celles qui auraient besoin d’un peu plus de descriptions.

Coralie Raphael
Coralie Raphael

Je parle beaucoup d'auto-édition et essaie d'aider les auteurs à comprendre dans quoi ils mettent les pieds. Parfois j'écris aussi des livres.
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7 commentaires

  1. Merci Coralie! Super clair. & j’aime beaucoup l’approche « comment savoir si vous en faites trop »? (de l’un ou de l’autre). C’est souvent plus facile de corriger quelque chose que de faire bien directement 😉

    • C’est exactement ça, Caroline. Et c’est parce que j’ai moi-même fait ces erreurs, que c’est plus facile pour moi d’expliquer avec cette approche ?

  2. Tiens, justement, je suis en train de lire le bouquin de McKee sur l’écriture de dialogues.
    De ce qu’il dit et qui me paraît intéressant à retenir :

    1) Parler, c’est agir. Dialoguer, c’est une action, auquel l’interlocuteur réagit. Il ne faut pas oublier que quand on dit quelque chose, on veut quelque chose, et l’action qui se cache derrière la phrase ne doit pas être occultée pour le lecteur.
    2) On dit rarement ce que l’on pense sans filtre. Chaque phrase de dialogue est donc ce qu’on dit, mais pas ce qu’on pense.
    3) Un dialogue de récit n’est pas une conversation banale de la vraie vie. Le récit doit être condensé pour avoir un intérêt dramatique. On évite les dialogues inintelligibles, les répétitions, on fait attention lors de l’écriture à l’ordre des mots de la phrase afin de créer des effets de suspense ou d’accumulation, et afin qu’on n’ait pas l’impression d’un temps de décalage avec la réaction de l’interlocuteur…
    4) Une phrase qui ne marche pas ne doit pas être simplement reformulée. Elle doit être retravaillée en profondeur pour comprendre pourquoi ça ne marche pas : rythme qui se casse la figure, dialogue qui tourne en rond, phrase sans sous-texte…
    5) Dans les récits en prose, un dialogue peut être dramatisé (avec des tirets cadratins) ou narratif (et auquel cas, ça ne se transforme pas pour autant en description) On a vraiment beaucoup d’outils à disposition !

    Voilà où j’en suis. ^^C’est un bon bouquin. 😀

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