Les bases de l’écriture d’une scène

Quand on écrit une fiction (ou même de la non-fiction romancée), les scènes sont le microcosme de l’intrigue. Chaque scène nous mène à un moment crucial de l’histoire des personnages. Elle doit éveiller à la fois nos émotions et nos esprits en créant une action ou un élan en temps réel.

De quoi se compose une scène ?

Si vous n’avez jamais pris le temps de réfléchir à la forme d’une scène, voyez ça comme une mini-histoire indépendante avec une énergie croissante qui mène à une révélation soudaine, une découverte, un aveu, une prise de conscience ou une expérience.

Le lecteur devrait sentir que chaque scène a un but, approfondit le personnage, fait avancer l’histoire et se termine de façon à ce qu’il ait envie de connaître la suite.

Quelle est la meilleure façon de commencer et de finir une scène ?

Les scènes ne commencent pas forcément au départ d’un événement ou d’une activité mais plutôt en plein dedans. Ça veut dire que vous n’avez pas besoin de commencer les scènes par une explication ou une présentation. Commencez simplement par une plongée dans l’action. Puis, en suivant les objectifs et désirs d’un personnage, vous accompagnez vos lecteurs à travers un cadre (de préférence d’une façon qui montre le protagoniste en train d’interagir avec ce cadre, et pas seulement en train de l’observer), en vous servant des perceptions sensorielles du personnage, en présentant son conflit et sa relation avec ses alliés et les antagonistes (internes ou externes) et en construisant les moments forts et les moments difficiles du personnage. Ne laissez jamais le lecteur trop satisfait à la fin d’une scène ; il doit garder l’envie de continuer sa lecture pour connaître la suite.

Qu’est-ce qu’une scène devrait accomplir ?

Chaque scène crée des conséquences auxquelles il faut faire face ou sur lesquelles il faut s’appuyer dans la scène suivante. Et ainsi, scène après scène, vous racontez une histoire captivante qui a la force spectaculaire et l’impact émotionnel d’un grand morceau de musique.

Une scène, c’est quand il y a plus de progression en temps réel que de monologue intérieur (réflexion) ou d’explications.

La progression en temps réel, c’est une combinaison d’action, de dialogue et d’interaction du personnage avec son environnement et les autres personnages. Les scènes pétillent d’énergie et de rythmes qui donnent l’impression aux lecteurs d’être au côté (ou à l’intérieur) du personnage qui fait face à toutes sortes de situations et de scénarios. En revanche, les autres formes de discours (argumentatif, explicatif ou descriptif) vont endormir les lecteurs s’ils durent trop longtemps.

Vos scènes peuvent se finir sur une note positive (une petite victoire pour votre personnage). Ou une note négative (un moment de suspense ou d’incertitude). Peu importe votre choix tant que chaque scène de termine en amenant de futurs conflits pour le ou les personnages. Et que ça crée chez vos lecteurs le besoin de connaître la suite.

Qu’est-ce qui répond à la définition d’une scène ?

Vous vous demandez si le passage que vous avez écrit répond à la définition d’une scène ? Voici ce que les scènes ne sont pas.

  • Les scènes ne sont pas là pour que votre personnage fasse un long et paisible détour le mettant en situation avec d’autres personnages qui n’ont rien à voir avec l’objectif du héros. (Ça, ça relève du profil de personnage ou de l’anecdote.)
  • Les scènes ne servent pas à faire cours ou à expliquer quoi que ce soit à votre lecteur. (Ça, ça casse le rythme.)
  • Les scènes ne sont pas de longues histoires sur des peuples ou des lieux. (Ça, c’est de la toile de fond ennuyante.)

La différence entre la scène et le sommaire

Pour ceux et celles qui ne comprennent pas bien la différence entre la scène et le sommaire, la voici. Le sommaire explique quelque chose au lecteur. Il donne des informations. Ça va de l’interminable histoire de la ville où vit votre personnage à la simple description ou explication décousue qui justifie le comportement d’un personnage. Le sommaire n’engage pas les sens et implique rarement de l’action en temps réel.

Exemples de sommaires :

  • « C’était une belle journée. »
  • « Pour la première fois depuis des mois, elle se sentait heureuse. »
  • « Elle ne faisait pas confiance aux hommes depuis que son père l’avait laissée seule dans le bateau cette nuit où elle s’était presque noyée et avait depuis une peur bleue de l’eau. »
Quand avoir recours au sommaire ?

Vous pouvez vous servir du sommaire pour :

  • Condenser le temps : quand vous avez besoin de changer de moment dans une scène, pas besoin de faire poireauter vos personnages sur la plage pendant que vous amenez le coucher de soleil en décrivant le moindre changement de couleur dans le ciel. Pour condenser le temps, vous pouvez simplement écrire « la nuit tombe ». Ou « six heures ont passé ». Ou « un mois plus tard ». Ce sont des transitions qui se passent d’explications.
  • Changer de lieux : les lecteurs n’ont pas besoin de voir toutes les devantures devant lesquelles votre personnage passe en voiture. Ils se moquent bien de savoir combien il y a de feux rouges sur sa route (à moins qu’il ne les grille ; là, le détail pourrait avoir son importance). En d’autres mots, vous avez tout à fait le droit de conduire les personnages à leurs destinations sans préambule ou plus de descriptions : « Ils marchèrent cinq kilomètres jusqu’à la maison de leur mère » ou « Ils firent en train les 160 kilomètres qui les séparaient de leur destination » ou « Ils regagnèrent leur appartement en voiture ».
  • Répéter des informations dévoilées plus tôt dans l’histoire : c’est une astuce utile et qui a son importance. Imaginons que vous avez montré au lecteur un événement sous la forme d’une scène. Plus tard, un des personnages qui interviennent dans cette scène doit raconter à un autre personnage ce qui s’est passé. Plutôt que de faire répéter l’action au personnage, vous pouvez simplement résumer : « Je lui racontai les événements précédant l’explosion » ou « Elle conta les points forts de la bataille » ou « Elle lui raconte tout ce dont elle se souvenait de son enlèvement. »

Démontrez, n’affirmez rien

Plutôt que de citer l’adage bien connu des auteurs « show, don’t tell », une consigne plus utile pour travailler une scène serait : « démontrez, n’affirmez rien. »

Si vous dites au lecteur qu’un personnage est indigné, vous vous contentez d’affirmer. Mais où est la preuve ? Démontrez son indignation par de l’action et du dialogue. N’affirmez pas que votre personnage a un passé douloureux ; démontrez-le à travers son comportement, sa façon de penser et de s’exprimer. Au lieu de revenir sur les découvertes et autres révélations à coup de sommaires, gardez-les en premier plan ( sur le devant de la scène, haha !) pour que le lecteur puisse vivre ces moments avec le personnage.

Une phrase pour retenir les fonctions d’une scène : « Une scène est une représentation stylisée, soignée de la réalité. »

  • Une représentation stylisée : rien n’arrive par accident dans votre scène ; vous avez élaboré chaque moment, chaque interaction et chaque image. Pour le lecteur, un détail peut paraître anodin mais vous savez que rien ne l’est.
  • Une représentation soignée : nous lisons pour vivre une version plus intense, plus gratifiante de la vraie vie, sans tout ces petits moments d’ennui. Quand vous proposez de créer une expérience réaliste, ne racontez pas la moindre action (les moments d’une triste banalité, insipides, insignifiants et les échanges de politesse ennuyants de la vraie vie) dans votre scène. Incluez uniquement celles qui apportent quelque chose au personnage et à l’intrigue, celles qui sont riches en tension et en suspense, celles qui donnent l’impression de ne pas savoir si le vent va tourner en faveur du héros ou si l’antagoniste va triompher.

Exemple de scène

Voici un exemple de scène. Elle n’est pas entière mais comporte tous les ingrédients-clés qui indiquent au lecteur qu’une scène se déroule sous leurs yeux : action, dialogue et approche sensorielle qui créent de l’immédiateté, de l’élan et le sentiment que les événements se déroulent dans l’instant présent.

Ils roulaient très vite, Wolgast au volant. À côté de lui, Doyle pianotait furieusement sur son organiseur. Il essayait de joindre Sykes pour lui dire qu’il avait pris la direction des opérations.
— Putain ! Pas de réseau.
Doyle balança son portable sur le tableau de bord. Homer était à vingt kilomètres derrière eux, et ils allaient plein ouest. Les champs à perte de vue défilaient interminablement sous un ciel grouillant d’étoiles.

Le passage de Justin Cronin

N’oubliez pas que toutes les scènes n’ont pas le même impact dans une histoire. Certaines sont là pour ralentir le rythme (une scène contemplative, par exemple) alors que d’autres font monter la mayonnaise (suspense, retournement de situation, etc.).

Coralie Raphael
Coralie Raphael

Je parle beaucoup d'auto-édition et essaie d'aider les auteurs à comprendre dans quoi ils mettent les pieds. Parfois j'écris aussi des livres.
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