La plupart des auteurs sont conscients que le secteur de l’édition est en pleine révolution : de nouveaux départs, des déceptions, des consolidations… Mais il y a tant de changements qu’il peut être difficile de faire le tri et de comprendre lesquels sont les plus pertinents et les plus importants. Surtout quand des centaines d’opinions semblent entourer le plus petit changement.
Basé sur ce que j’ai pu lire sur Twitter ces derniers mois ainsi que sur divers rapports, voici 4 tendances sur lesquelles les auteurs devraient garder un œil.
1. Les contrats d’édition
Un effort d’information et de clarification reste à faire. La moitié des auteurs a déjà fait appel à une personne extérieure pour l’aider à lire et comprendre ses contrats. Ils ont notamment eu recours, dans des proportions similaires, à un juriste ou avocat, une société d’auteurs, un tiers. Ils sont désormais 3,4% à faire appel à un agent (2 % en 2015). L’autre moitié des auteurs continue donc de lire seuls leurs contrats. Et la quasi-totalité d’entre eux les négocie seuls à seuls avec leurs éditeurs.
Cette proportion est d’autant plus étonnante qu’ils sont 36,2% à estimer que les conditions des contrats ne sont pas toujours claires pour l’édition imprimée. Et ils sont 80,3% s’agissant des dispositions pour l’édition numérique ! Dans la majorité des cas (53%), les éditeurs font signer simultanément aux auteurs un contrat d’adaptation audiovisuelle. La Scam et la SGDL rappellent que la signature de ce contrat n’est pas une obligation.
J’espère que les éditeurs poursuivront cet effort de clarté et d’explication. En attendant, que peut faire l’auteur ? Voici mes conseils.
(Et pour lire l’intégralité du baromètre des relations auteurs/éditeurs, c’est ici.)
- Procédez à une diligence raisonnable pour chaque contrat que vous signez. Comprenez bien quels sont les droits que vous cédez. Quelle rémunération vous aurez en retour ? Et demandez-vous si le contrat est pertinent pour votre carrière. Si vous n’avez pas d’agent pour négocier votre contrat, pensez peut-être à en engager un ponctuellement. Pour les auteurs québécois, sachez que l’UNEQ peut vérifier votre contrat et vous aiguiller dans la négociation.
- Réfléchissez bien et négociez adroitement lorsqu’il est question d’édition numérique. Certaines maisons d’édition numérique se servent généreusement sur vos profits pour s’occuper de ce que vous pourriez faire vous-même. Je suis sceptique quand je vois que beaucoup de ces maisons promettent visibilité et découverte de talent alors qu’elles n’ont aucune success story, pas de meilleure diffusion/distribution que celles déjà à la portée d’un auteur auto-publié et une expérience limitée ou inexistante de l’édition. Si l’éditeur n’atteint pas une audience plus grande que celle que vous-même touchez, alors demandez-vous pourquoi signer un contrat avec lui. Quelle valeur ajoutée va-t-il vous apporter ?
- Toujours vérifier comment et quand le contrat est résilié. Je pense notamment à la clause de fin d’exploitation. Avec un éditeur traditionnel, le contrat est résilié lorsqu’il n’y a pas eu de droits versés pendant X années consécutives, X années après la publication de l’œuvre. Soyez sûr de bien comprendre tous les termes. Et essayez toujours de négocier au mieux cette clause et toutes celles où il est question de récupérer vos droits.
- N’ayez pas peur de refuser un contrat. Beaucoup d’auteurs, trop excités à l’idée d’être publié par une maison d’édition, survolent les termes du contrat qui peut devenir une source d’ennuis par la suite. Si vous ne parvenez pas à vous montrer intraitable, trouvez quelqu’un qui le soit. Mieux vaut ne pas avoir de contrat qu’être mal accompagné.
2. Le rôle de l’agent littéraire
Pour compliquer les choses, votre relation avec un agent littéraire sera peut-être la première obligation contractuelle qu’il vous faudra examiner.
Moyennant 15% de commission environ, l’agent littéraire se propose de prendre en charge tout ce qui vous rebute : la négociation des à-valoir, le pourcentage des droits sur les ventes de livres papier et numériques, la durée du contrat, les éditions de poche, les droits audiovisuels et étrangers, les offres de collaboration et d’intervention, etc. Mais que se passe-t-il si vous auto-publiez un titre qu’il n’a pas su vendre ? Ou si votre agent vend votre travail à un éditeur qui ne verse pas d’avances et qui vous fait même avancer certains frais ? Ou si vous récupérez les droits sur de vieux titres qu’a vendu votre agent et que vous souhaitez les auto-publier ?
Ça semble compliqué comme ça mais tout ira bien si votre agent respecte ces deux points :
- L’agent ne prend 15% de commission que sur les livres qu’il vend.
- L’agent ne prend pas 15% de commission sur les livres auto-publiés par l’auteur. Mais si l’agent parvient à vendre des droits secondaires sur ces livres alors il touche sa part habituelle sur ces contrats obtenus.
Un bon agent littéraire est honnête et transparent sur sa façon de gérer les contrats et il suit de près l’évolution de ce qui se fait le mieux dans l’industrie du livre. Pour en savoir plus sur le métier d’agent littéraire, lire cet excellent dossier d’ActuaLitté.
3. La plateforme d’auteur
La plateforme ne me semble pas être un concept très populaire auprès des auteurs et les réseaux sociaux, outils marketing et créatifs, n’arrangent pas les choses.
Les questions que se posent certainement les auteurs sont :
- Quand les éditeurs s’intéressent-ils à la plateforme d’un auteur ? Quels sont leurs critères ? C’est une question de chiffres ? Combien faut-il atteindre ?
- Ai-je besoin d’un blog ou d’un site ?
- Dois-je être sur Twitter, Facebook ou le réseau social du moment ?
- Dois-je être une marque ?
Je vais dire ici quelque chose d’osé, que je n’ai encore jamais écrit dans mes autres articles.
Si vous êtes un nouvel auteur qui n’a encore rien publié et que vous écrivez de la fiction, vos mémoires, de la poésie ou n’importe quelle œuvre narrative, sortez le mot « plateforme » de votre esprit.
Je pense que ça cause plus de tort que de bien. Ça pousse l’auteur à faire des choses qu’il n’aime pas (voire qu’il déteste), qui ne sont pas naturelles pour lui à ce moment de sa carrière. Il est confus, a de bonnes raisons de l’être, et la construction de sa plateforme finit par le distraire de sa première activité : l’écriture.
Mieux vaut alors construire sa plateforme en écrivant et en publiant dans des magazines pertinents, pour grandir professionnellement et développer son réseau. Le reste suivra naturellement. Ça prendra peut-être un peu plus de temps mais quelle importance si vous vous sentez productif et que vous vous amusez ? Devenez auteur, tentez votre chance dans l’écriture. Écrire et publier de belles œuvres sera toujours positif pour le développement de votre plateforme (et je suis prête à parier que cette plateforme aura encore plus de valeur de cette façon, surtout pour les auteurs de fiction et autres narrations.)
L’exception qui confirme la règle : les auteur de non-fiction et les auteurs indépendants. Vous devriez autant vous concentrer sur votre plateforme que sur l’écriture.
Si vous voulez en savoir plus sur la plateforme d’auteur, en voici ma définition ici.
4. Transmédialité et paternité de l’œuvre
On va commencer par définir la transmédialité.
La transmédialité est d’abord centrée sur le monde narratif. Les canaux de distribution viennent ensuite, déterminés par un processus collaboratif qui met au centre la vision créative de l’auteur. La plupart des projets dit transmédia sont des initiatives marketing cross-média, qui reposent sur l’octroi de licences et une répartition des droits menant souvent à une perte du contrôle créatif par l’auteur. Star Wars est l’exemple par excellence de la franchise transmédiale.
Mon avis : à moins d’être un auteur au profil hautement commercial, ne vous embêtez pas avec la transmédialité. Oui, ce serait frapper un grand coup de commencer avec un monde narratif bien développé mais à moins d’avoir des amis et collègues dans les médias (développement d’application, production audio/vidéo), vous ne vous lancerez probablement pas de sitôt dans un projet transmédia.
Mais quand on parle de construction de plateforme d’auteur (que je viens de vous dire d’oublier !), c’est une bonne chose de penser au-delà du blog, des tweets, de toutes les formes de communication basées sur le texte et de réfléchir à toutes les opportunités qui s’offrent à vous pour produire du contenu divertissant et intéressant pour compléter ce que vous publiez. Pensez aux vidéo YouTube de Maritza Jaillet ou au podcast de The Fish Eye.
Un article complet et très, très intéressant, que je ne manquerai pas de partager !
Je suis d’accord avec tout – c’est loin d’être rare avec tes articles, mais il faut savoir que je suis très tatillon, donc bravo ! :3.
Au final, le choix de l’édition classique en premier lieu est un choix de délégation du travail – alors que celui d’auto-édition est celui d’assumer toutes les charges du métier du livre. Ça me semble donc logique qu’une plateforme auteur soit essentielle pour un auto-édité, et secondaire pour un auteur en ME ! ?
Merci pour cet article ! ♥
Merci à toi de m’avoir lue et d’avoir pris le temps de commenter, Matt ?