Comment attirer les lecteurs avec juste une idée ?

L’idée est bien moins importante que les personnages quand il s’agit de déterminer la qualité de votre histoire. Mais votre lectorat, lui, est attiré par l’idée sur laquelle vous avez bâti votre histoire. Votre idée a-t-elle ce qu’il faut pour attirer les gens, au moins assez longtemps pour leur présenter vos personnages ?

La clé ici est d’imaginer des inconnus. Ils ont déjà assez d’histoires à lire, et ils n’en ont pas besoin d’une nouvelle. Quelle idée les convaincra malgré leur apathie ?

Idée reçue : c’est facile d’écrire une histoire simple, mais c’est plus ambitieux d’écrire une histoire démesurée et complexe.

Au contraire : écrire une histoire simple et claire est quelque chose de très difficile.

Quand les histoires naissent, elles sont toujours compliquées, mais les histoires simples sont plus puissantes et plus significatives. Pensez à la fin de cette célèbre lettre de Blaise Pascal : « Je n’ai fait celle-ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus courte. »

Les auteurs sont toujours enclins à rendre leurs histoires plus compliquées que ce qu’attendent les autres. Heureusement, il y a des « contrôleurs » qui nous coupent l’herbe sous le pied. Les éditeurs réduisent les romans à leur plus simple expression. Les metteurs en scène suppriment les scènes qui ne fonctionnent pas. Les producteurs coupent le gras des scénarios. Ils prennent des histoires compliquées et tentaculaires et trouvent l’histoire simple qui s’y cache.

Le premier scénario de SOS Fantômes faisait 40 pages. Il se déroulait dans le futur. New York était assiégée par des fantômes depuis des années. Il y avait des dizaines d’équipes de chasseurs de fantômes en compétition. Les héros étaient fatigués et s’ennuyaient au travail au début de l’histoire. Le Bibendum Chamallow apparaissait à la page 20. Le budget aurait été plus important que n’importe quel film jamais réalisé, et bien plus élevé que ce que tout le monde était prêt à dépenser.

Alors pourquoi avoir accepté de le produire ? Parce les producteurs ont aimé une image : une bande de gars qui vivent dans une caserne de pompiers, glissent le long d’un poteau et sautent dans une vieille ambulance pour aller à la chasse aux fantômes. Ils ont donc enlevé tous les autres éléments, placé cette image au centre de l’histoire, fait passer progressivement le spectateur d’un monde normal au paranormal, et créé un dénouement héroïque à cette situation. Et c’est tout.

Quelques années après le succès de SOS Fantômes, l’un des scénaristes et acteurs de ce film, Harold Ramis, s’est retrouvé de l’autre côté de la caméra. Il voulait réaliser un film intitulé Un Jour sans fin, écrit par un scénariste débutant, Danny Rubin.

C’était une situation qui ressemblait beaucoup à la première. Dans la première version de ce scénario, le présentateur météo avait déjà répété le même jour 3 650 000 fois avant que le film ne commence !

Plusieurs réalisateurs ont aimé le scénario. Rubin avait donc le choix, mais la plupart d’entre eux lui ont dit d’emblée qu’ils voulaient réécrire l’histoire pour la faire commencer par l’origine de la situation. Ramis a remporté la surenchère en promettant à Rubin de s’en tenir à la version in medias res.

Et qu’est-ce qui s’est passé finalement ? Ramis n’a pas tenu sa promesse. La version finale du film passe la première moitié à mettre le présentateur météo dans le bain et la seconde moitié à créer le dénouement héroïque.

Les histoires simples sont plus significatives que les histoires sur les transformations des transformations des transformations.

Les histoires auxquelles il est difficile de s’intéresser ne construisent pas d’idée bloc par bloc, et donc elles ne permettent aucune identification et laisse les lecteurs sur leur faim. Pour redécouvrir comment créer des histoires à partir de rien, les auteurs doivent comprendre le pouvoir d’une histoire simple qui invite le lecteur à prendre part au voyage.

Idée reçue : Vous devez écrire l’histoire la plus intéressante que vous puissiez imaginer.

Au contraire : Vous devriez plutôt écrire l’histoire la plus intéressante à laquelle vous pouvez vraiment vous identifier.

Cessez de vous demander si une idée peut ou doit fonctionner et posez-vous plutôt cette question : est-ce que je sais comment faire pour que les gens s’identifient à ce personnage dès le début de l’histoire ?

Quand vous commencez à vous poser cette question, vous écartez facilement les idées sans intérêt. Vous pouvez avoir une idée et penser « C’est cool ! Ça se vendra bien ! C’est une excellente idée ! Je vois la couverture d’ici ! » Ou vous pouvez avoir une autre idée et penser « C’est profond ! C’est une allégorie dévastatrice du monde moderne ! La fin sera déchirante ! » Et dans les deux cas, c’est très bien.

Mais aucune de ces idées ne vous sera utile si vous n’arrivez pas à faire en sorte que les gens s’identifient à votre personnage principal dès le début de l’histoire.

Les idées dites high concept (en anglais) sont excellentes, mais il est absolument essentiel de respecter ce qui suit :

  1. Choisissez un cadre que vous connaissez bien, grâce à votre expérience ou d’énormes recherches.
  2. Créez des personnages auxquels le lectorat peut s’identifier dès le début de l’histoire.
  3. Écrivez sur des problèmes qui résonnent puissamment avec les vôtres, directement ou par métaphoriquement.
  4. Écrivez les dialogues avec des voix que vous connaissez bien.

Ne vous méprenez pas, c’est un atout considérable de commencer avec une idée géniale. Après tout, si vous ne donnez la priorité qu’à ces quatre aspects, vous finirez par écrire sur vous et vos amis quand vous traîniez sur le parking du McDo. Vous devriez voir plus grand que ça, mais vous ne pouvez pas non plus abandonner totalement ces relations, ces problèmes et ces voix que vous avez appris à connaître sur le parking du McDo.

Ou, pour le dire autrement : « Écrivez ce que vous connaissez » ne signifie pas que vous devez écrire sur les détails de votre vie. Ça veut dire que vous devriez écrire sur les émotions que vous connaissez, en les projetant sur une plus grande toile.

Idée reçue : une excellente idée s’écrit toute seule.

Au contraire : la réussite d’une histoire dépend de la façon d’écrire.

Une excellente idée vaut son pesant d’or. Sauf qu’une idée ne pèse rien, donc elle est toujours égale à 0 euro.

Encore une fois, ne vous méprenez pas : une excellente idée ouvre de nombreuses portes, mais soyez conscient que l’acheteur potentiel la surévalue probablement. Vous pouvez lui vendre un crépitement, mais n’allez pas imaginer que ça donnera un steak.

Ce qui plaît dans les grandes idées, c’est qu’elles sont si intéressantes qu’on peut en faire une histoire totalement gâchée, tout le monde l’aimera quand même. C’est ce que recherchent certaines maisons d’édition et les studios d’Hollywood depuis des années. C’est pour ça qu’ils essaient de plus en plus de vendre des livres et des films au public avant même que les critiques ne les voient. Qui se soucie de ce que disent les critiques ? Les gens se jetteront sur le livre ou le film même s’il est médiocre.

Mais c’est un rêve impossible. Aucune idée n’est assez bonne pour que la qualité ne soit pas prise en compte dans l’équation.

Coralie Raphael
Coralie Raphael

Je parle beaucoup d'auto-édition et essaie d'aider les auteurs à comprendre dans quoi ils mettent les pieds. Parfois j'écris aussi des livres.
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