Note de Coralie : Si vous craignez de voir votre idée ou votre travail volé, cet article-invité d’Elvire Bochaton (@livrelegalite) est fait pour vous. Elvire est juriste en maison d’édition et l’autrice de Guide de survie juridique pour écrire et publier son livre : 100 questions pour les auteurs et les éditeurs.
Si vous avez cliqué sur le lien de cet article, c’est que la réponse à cette question est certainement « oui ». Ne vous en faites pas, beaucoup d’auteurs et même de personnes plus généralement, ont peur de voir le fruit de leur travail ou de leur art se faire « voler » et utiliser par quelqu’un d’autre. C’est une peur tout à fait naturelle, encore plus avec Internet où l’on peut faire des copier/coller facilement.
Cet article va donc parler de la protection de son travail. Mais comme le disait Pascal « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » : l’article est rédigé selon le droit français, et par définition chaque pays a ses propres règles (encore plus si vous vivez sur un autre continent comme Coralie). Aussi, si vous ne vivez pas en France, je vous laisserai le soin de vous renseigner sur la législation applicable dans votre pays.
Comment protéger ses idées ?
Avant de vous mettre à créer un projet, vous avez tout d’abord une idée. Selon Larousse, une idée est une « représentation abstraite, élaborée par la pensée, d’un être, d’un rapport, d’un objet, etc. ». Ils ajoutent que pour Platon, l’idée « lui permet de concevoir la réalité ».
Une idée est donc la genèse de tout projet, avant sa conception réelle. Pour un auteur, une idée c’est s’imaginer un scénario de roman, concevoir des personnages par la pensée, faire une liste des thématiques à aborder, etc.
Vous tenez donc là votre futur livre. C’est à travers ces idées que vous allez réaliser votre projet. Mais vous ne voulez pas que ces idées partent ailleurs, que quelqu’un fasse la même chose que vous en même temps, que quelqu’un vous concurrence.
Cela va certainement vous décevoir, mais il est malheureusement impossible de protéger ses idées. On dit en Droit que les idées et les concepts « sont de libres parcours » (selon la formulation de Desbois, un célèbre juriste). Tout le monde peut avoir des idées, et on ne peut pas empêcher quelqu’un d’imaginer la même chose que vous.
En revanche, c’est la matérialisation de vos idées qui peut être protégée. Une idée, ce n’est pas assez concret. Si l’on reprend la définition d’une idée, ce n’est qu’une représentation abstraite. Et le droit ne protège pas ce qui est abstrait : le droit est là pour protéger le concret. L’idée permet de concevoir la réalité. Et ce n’est que lorsque la réalité est présente, c’est-à-dire que votre manuscrit est en cours ou bien terminé, que vous pourrez être protégés.
Finalement, le meilleur moyen de « protéger » ses idées, c’est de ne pas en parler. Cela n’empêchera pas quelqu’un d’avoir la même idée que vous, mais au moins la vôtre ne s’ébruitera pas.
Alors, comment être protégé en cours de projet ?
La loi française dispose que le droit d’auteur nait dès la création. Peu importe que l’œuvre soit achevée, peu importe si vous êtes un écrivain professionnel, peu importe si votre œuvre est un chef-d’œuvre ou non, peu importe votre mérite. Les seules conditions sont que votre écrit doit être « original », ce qui signifie en langage moins juridique que vous devez avoir été libre de vos choix créatifs et que celle-ci doit porter l’empreinte de votre personnalité. Vous ne devez pas non plus avoir « copié » quelqu’un d’autre sans son consentement, c’est-à-dire avoir fait une contrefaçon. Si ces conditions sont remplies, vous êtes ainsi protégés automatiquement même en cours de projet, et ce, même si vous n’êtes qu’au stade du brouillon.
Le droit d’auteur permet à l’auteur d’autoriser ou d’interdire l’exploitation de son œuvre, de décider d’en trier des revenus ou non, d’avoir le droit au respect de son œuvre, d’avoir un droit au nom ou bien de rester anonyme, de divulguer ou non son œuvre, d’arrêter son exploitation ou de la modifier.
Et une fois votre manuscrit terminé, comment être protégé ?
Un manuscrit pas encore publié peut-il être protégé ?
Bien entendu, les mêmes règles s’appliquent lorsque le manuscrit n’est pas encore publié. Vous êtes protégé du seul fait de sa création. Il n’y a pas de condition de publication pour être protégé. Si la condition d’originalité est remplie, vos droits d’auteur vous permettent de décider ou non d’une divulgation de votre manuscrit.
Si vous souhaitez faire relire votre manuscrit à des bêta-lecteurs ou à des correcteurs avant sa publication, il peut être intéressant de conclure avec eux un contrat de confidentialité. Par ce contrat, ils s’engagent à ne pas divulguer son contenu ni à le reproduire. Dans l’hypothèse où ils ne respecteraient pas le contrat, vous pourriez alors engager leur responsabilité contractuelle en justice.
Toutefois, la conclusion d’un tel contrat n’est nullement obligatoire et cela suppose également que l’autre partie accepte sa conclusion.
Être protégé après publication
Si vous décidez de publier vos écrits, vous serez également protégés par le droit d’auteur. Beaucoup d’auteurs pensent alors qu’ils doivent « mettre sous copyright » leurs écrits. Contrairement à ce que certains sites internet veulent vous laisser croire, le copyright n’existe pas en France. Le Copyright c’est l’équivalent du droit d’auteur dans les pays anglo-saxons. Les règles sont différentes et bien souvent elles impliquent, dans les pays utilisant ce système-là, de déposer ses écrits pour être protégé.
En France, vous n’avez pas besoin d’écrire une formule commençant par © au sein de vos mentions légales, ni même de procéder à un dépôt quelconque. Le droit d’auteur nait directement dès la création, sans aucune formalité.
Néanmoins, en cas de problème, ce sera à vous de prouver que vous en êtes bien l’auteur. Et pour prouver cela, il peut être intéressant de vous constituer des preuves en amont. Cette preuve peut parfois consister en un dépôt de votre manuscrit auprès d’un organisme. Ce n’est donc pas obligatoire, simplement une sûreté supplémentaire.
Il existe plusieurs organismes qui proposent de déposer votre manuscrit, à des prix plus ou moins différents. Les sociétés d’auteurs, telles que la SGDL en proposent. À titre tout à fait personnel, je préfère le dépôt via « l’enveloppe E-Soleau » proposée par l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). Elle coûte 15 € et permet de déposer son manuscrit pour 5 ans. C’est selon moi la solution la moins coûteuse. Certains préféreront la fameuse lettre recommandée que l’on s’envoie à soi-même. Mais si l’on compte le prix de l’impression d’un manuscrit et de l’envoi recommandé, on dépasse bien souvent les 15 € et c’est un moyen de preuve plus contestable.
D’autres personnes se diront qu’elles peuvent peut-être mettre leur manuscrit sous Creative Commons pour être protégées. Mais les Creative Commons ne sont pas un moyen de protection en tant que tel. Les Creative Commons, sont un type de licence, c’est-à-dire un type d’exploitation de votre œuvre (au même titre que vous pourriez vous faire publier en maison d’édition). Ces licences vous permettent de moduler ce que vous voulez autoriser : vous pouvez autoriser ou interdire l’utilisation commerciale de votre œuvre, sa modification ou non, etc. Vous retrouverez les licences Creative Commons essentiellement sur Internet ; en matière d’écriture vous les trouverez souvent sur des sites de type Wattpad.
Conclusion
À présent, vous savez l’essentiel pour être beaucoup plus confiants face à un potentiel vol de votre travail. Vous trouverez plus de détails sur :
- le droit d’auteur et ses prérogatives,
- les types de dépôts envisageables et leurs coûts,
- les licences Creative Commons,
- un exemple de contrat de confidentialité
- ainsi qu’un exemple de lettre à envoyer si quelqu’un vous a volé votre travail
au sein du Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre dont je suis l’autrice.
Ce guide a vocation à vous accompagner tout au long de votre processus créatif, de l’écriture, en passant par la publication et jusqu’à la post-publication de votre livre.